Des méduses cyborgs utilisées pour explorer les océans

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Une méduse n’a ni squelette, ni cerveau, ni queue propulsive comme un poisson. Pourtant, elle avance. Et elle le fait avec une économie d’énergie remarquable. Comment ? Grâce à une fine couronne de muscles circulaires située sous son ombrelle, qui crée un effet de jet. En se contractant puis en relâchant ce muscle, l’animal propulse l’eau et avance.

Ce mouvement, fluide et naturel, illustre ce que les chercheurs appellent l’intelligence incarnée. Cela signifie que la forme même de l’organisme permet de résoudre des problèmes, ici se déplacer, sans avoir besoin d’un cerveau ou de circuits neuronaux complexes.

Des cyborgs… sans batterie ni moteur

Et si ce mode de déplacement était exploité pour explorer les océans ? C’est le pari d’une équipe japonaise qui a conçu des “méduses cyborgs”. Le principe est simple sur le papier : utiliser de vraies méduses, y greffer une petite électronique, stimuler leurs contractions par de légers signaux électriques, et collecter des données.

Résultat : un engin marin qui se déplace sans carburant, ne perturbe pas l’écosystème, et qui peut fonctionner avec très peu d’énergie.

L’étude, publiée dans Nature Communications, a été menée par le professeur Dai Owaki à l’université de Tohoku, en collaboration avec l’université de Tokyo et l’aquarium de Kamo.

Comment stimuler une méduse sans la stresser

Le défi était double. D’abord, trouver un rythme d’impulsion électrique que la méduse accepte sans perturbation. Ensuite, prévoir la trajectoire que cette méduse adoptera après stimulation.

Les chercheurs ont donc placé de minuscules électrodes sur l’anneau musculaire de l’ombrelle. Toutes les 1,5 à 2 secondes, une impulsion est envoyée. La méduse réagit en nageant, naturellement, comme elle le ferait seule.

Une caméra et deux miroirs permettent d’enregistrer sa trajectoire en 3D. Ces données sont ensuite injectées dans un modèle d’intelligence artificielle ultra léger qui anticipe les vitesses et directions.

Point intéressant : les signaux les plus efficaces sont ceux qui imitent exactement le rythme naturel de la méduse. Des impulsions trop fortes ou trop rapides provoquent l’effet inverse : ralentissement, mouvements désordonnés, voire fuite de l’animal.

Une IA qui se sert… du corps de la méduse

L’intelligence artificielle utilisée ne ressemble pas aux modèles massifs que l’on connaît. Il s’agit d’un réseau de neurones à réservoir physique. Autrement dit, le système intègre directement le corps de la méduse comme partie du calcul.

Ce principe est contre-intuitif, mais efficace. Au lieu de simuler le corps, on l’utilise tel quel. La méduse devient à la fois capteur, moteur et calculateur. Et cela fonctionne : la trajectoire est prévisible avec une précision suffisante pour imaginer des missions de longue durée.

À quoi cela peut-il servir ?

Beaucoup de missions océaniques actuelles consomment énormément d’énergie : balises GPS, robots sous-marins, drones autonomes. Chaque déploiement implique de lourdes batteries, des moteurs, des systèmes de refroidissement. Et un coût environnemental non négligeable.

En comparaison, ces méduses cyborgs offrent un outil d’exploration ultra sobre. Elles peuvent dériver sur de longues distances, avec une supervision minimale. On peut envisager de les équiper de capteurs de température, de salinité, ou de microplastiques, pour cartographier en continu l’état de la mer.

C’est un changement d’échelle : au lieu d’un seul robot complexe, une flotte de méduses semi-naturelles, quasi invisibles, parfaitement intégrées dans l’écosystème.

Ce que cela dit du futur des robots

Derrière cette recherche se cache une idée plus large : l’alliance du vivant et de la machine. Pas pour le remplacer, mais pour l’amplifier, le guider, et enrichir sa fonction.

Les robots inspirés des animaux ne sont pas nouveaux. Mais ici, on ne s’inspire pas de la méduse. On travaille avec elle.

Les implications sont immenses. En robotique molle, cela pourrait inspirer des dispositifs flexibles, auto-réparables, adaptables à leur environnement. En biologie marine, cela permet de collecter des données sur des zones encore inaccessibles sans perturber les équilibres.

La nature n’a pas attendu les ingénieurs pour être efficace. En l’observant bien, on peut même l’inclure dans le processus technologique.

Une convergence entre science, technologie et écologie

Ce projet incarne une nouvelle approche : respecter les rythmes biologiques, minimiser l’impact des outils de mesure, co-concevoir avec le vivant.

Les méduses n’ont ni cerveau, ni conscience. Mais leur efficacité inspire. Et leur comportement, finement modifiable sans violence ni contrainte, en fait des alliés surprenants pour la science de demain.

Ce que vous observez ici n’est pas un gadget. C’est peut-être une des premières interfaces réelles entre le monde animal et les systèmes cybernétiques, dans une démarche pacifique et utile à l’étude du climat.

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Eric GARLETTI
Eric GARLETTIhttps://www.eric-garletti.fr/
Je suis curieux, défenseur de l'environnement et assez geek au quotidien. De formation scientifique, j'ai complété ma formation par un master en marketing digital qui me permet d'aborder de très nombreux sujets.

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