Ce réacteur nucléaire high-tech français réalise un véritable exploit en devenant le premier AMR à être validé par l’exigeante agence britannique GDA

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Un petit réacteur au plomb s’ouvre la voie à des débouchés commerciaux au Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni vient d’ouvrir grand la porte à une technologie venue tout droit de France : le réacteur modulaire rapide refroidi au plomb de newcleo, le LFR-AS-200. C’est le  premier réacteur modulaire avancé, ou AMR (Advanced Modular Reactor dans la langue de Shakespeare) à passer le cap de la Generic Design Assessment (GDA), une procédure de validation des hautes instances britanniques jusqu’ici dominée par les grands classiques du nucléaire.

Cela n’a l’air de rien mais le Royaume-Uni n’avait pas accepté de nouveau design de réacteur avancé depuis plus de dix ans. Pour une industrie souvent décrite comme lente à évoluer, cette acceptation ressemble à un vrai tournant !

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La GDA n’est pas une simple formalité administrative, c’est un examen technique, environnemental et sécuritaire mené par trois autorités différentes : l’Office for Nuclear Regulation (ONR), l’Agence de l’environnement (EA) et Natural Resources Wales (NRW), une gageure !

Cette évaluation, qui n’est pas obligatoire pour les développeurs, est si rigoureuse qu’elle est souvent vue comme un crash-test nucléaire grandeur nature. Passer le GDA, c’est comme obtenir un label de fiabilité estampillé par l’État britannique !

Newcleo a officiellement déposé sa candidature en décembre 2024. Son objectif : réaliser un GDA en deux étapes plutôt que trois, en incluant dès le départ un examen fondamental de sa technologie. Une stratégie qui suggère une grande confiance dans la maturité de leur design.

Et si la France abandonnait la course aux semi-conducteurs pour fournir plutôt les 3 gaz indispensables à leur production comme le fait Air Liquide à Singapour ?

C’est quoi un AMR ?

Un AMR (Advanced Modular Reactor) est un réacteur nucléaire de nouvelle génération (en l’occurrence la IVe), plus petit, plus flexible et plus rapide à construire que les réacteurs classiques. Il utilise des technologies innovantes comme le refroidissement au gaz, au sel fondu ou au métal liquide. Les AMR visent une production décentralisée, notamment pour les sites isolés ou les réseaux industriels. Ils promettent aussi une meilleure sûreté passive et une réduction des déchets.

Une technologie italienne, un déploiement français, un avenir britannique

Le réacteur LFR-AS-200 ne sort pas tout à fait de nulle part. Il repose sur le concept de réacteur rapide refroidi au plomb, une technologie étudiée dès les années 1950 pour les sous-marins soviétiques. Newcleo lui donne une seconde jeunesse industrielle, en misant sur un cœur compact, modulaire, et refroidi par un métal liquide au comportement thermodynamique très prévisible et sécurisé.

Selon la feuille de route de l’entreprise :

  • Un prototype non nucléaire devrait voir le jour en Italie dès 2026.
  • Le premier réacteur opérationnel est prévu en France avant la fin 2031.
  • La décision finale d’investissement pour une centrale commerciale est annoncée pour 2029.

Pourquoi le plomb plutôt que l’eau ?

Les réacteurs classiques utilisent de l’eau sous pression pour transférer la chaleur. Le plomb, lui, ne bout qu’à 1 750 °C et ne nécessite aucune pressurisation, ce qui élimine bon nombre de risques liés aux fuites ou explosions de vapeur.

De plus, il n’interagit pas chimiquement avec les gaines du combustible, contrairement au sodium utilisé dans d’autres réacteurs rapides. Résultat : une meilleure inertie thermique et une capacité à rester stable en cas de perte de puissance.

Ce type de réacteur est aussi capable de brûler les déchets nucléaires à vie longue et d’utiliser du plutonium recyclé, un sacré atout pour réduire le volume et la durée de vie des déchets.

Vue en coupe de la conception du réacteur de Newcleo (Image : Newcleo)
Vue en coupe de la conception du réacteur de Newcleo (Image : Newcleo)

Une avancée sans subvention publique

Et c’est probablement là le coup de maître de newcleo : entrer dans le processus de GDA sans avoir touché un seul euro de financement public britannique. À l’heure où la plupart des projets nucléaires réclament de lourds soutiens étatiques pour simplement démarrer leurs études, l’initiative du groupe italo-français fait figure d’exception.

Andrew Murdoch, directeur général de newcleo au Royaume-Uni, l’affirme : “Cette étape confirme notre capacité à proposer une technologie avancée viable sans recourir à l’argent public.”

En clair, si Newcleo va au bout de son projet, il prouve que le nucléaire de demain peut aussi séduire les investisseurs privés, ce qui serait une première dans le domaine des AMR européens.

Eramet positionne idéalement la France sur un des métaux les plus stratégiques du monde à 14 300 € / tonne en Indonésie : le nickel

Une arène déjà bien occupée

Le GDA britannique est loin d’être une piste vide. Plusieurs designs sont déjà en évaluation :

  • Rolls-Royce SMR : petit réacteur modulaire britannique.
  • BWRX-300 de GE Hitachi : modèle compact à eau bouillante.
  • SMR-300 de Holtec : autre challenger américain.
  • AP300 de Westinghouse : accepté en août 2024.

Newcleo entre donc dans une compétition serrée, face à des géants de l’industrie. Mais avec un design plus disruptif et un financement original, elle pourrait bousculer les équilibres, d’autant que son réacteur est le seul de cette liste à utiliser du plomb comme caloporteur.

Il faudra attendre les retours de l’ONR et de l’EA dans les prochaines années pour savoir si le pari est gagnant !

Source : newcleo

Image : Le futur centre Faster, Crédit : newcleo/Pininfarina

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

1 COMMENTAIRE

  1. Il me semble que la filière la plus sécurisée est celles avec des sels de fluor liquide à neutron rapide. Développé initialement dans les années 60 à AOK Ridge et repris par les Chinois qui estiment une commercialisation en 2030. La sécurité est essentiellement passive. Initialement pensé pour utiliser les déchets de la filière militaire (Uranium, plutonium), les déchets à longue durée de vie et l’U238 voir du Thorium (qui ne peut être utilisé militairement).
    La France a sur étagère un stock pour plusieurs centaines d’années d’électricité… Des stocks qui coûtent !
    Il va falloir évaluer scientifiquement (sans dogmatisme) la bonne filière !

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