Et si votre futur morceau de sucre venait de la pollution ?
On connaissait les bonbons sans sucre. Voici maintenant le sucre sans plante. Pas de betterave, pas de canne, pas de photosynthèse. Juste… du CO₂. Oui, le dioxyde de carbone, ce gaz qu’on essaie désespérément de capturer pour sauver le climat pourrait bientôt finir dans votre assiette !
C’est en Chine que ça se passe. Une équipe de chercheurs a réussi l’improbable : fabriquer du vrai sucre à partir de méthanol, lui-même obtenu à partir de CO₂. Résultat ? Un sucre blanc, chimique certes, mais exactement le même que celui que vous saupoudrez sur vos fraises.
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Exit les champs, bonjour les tubes à essai pour le sucre dans nos assiette ?
Chaque année, la Chine consomme 15 millions de tonnes de sucre. Malgré ses champs de betteraves et de canne, elle doit en importer un tiers. Cultiver du sucre prend de la place, beaucoup d’eau, et de la patience. Le moindre caprice climatique, et les rendements s’écroulent.
L’idée, ici, c’est de se passer complètement de la terre. Pas de plante. Pas de saison. Pas de tracteur. Juste de la chimie propre et des enzymes bien organisées.
Dans un laboratoire de Tianjin, les chercheurs ont fiat appel à de la biotransformation in vitro. Rien de vivant là-dedans : ce sont des enzymes, ces petites ouvrières moléculaires, qui font le boulot. Elles prennent des molécules de méthanol et, étape par étape, les transforment en saccharose. Le même sucre que dans votre café ni plus, ni moins.
Et ce méthanol, on le sort d’où ?
Il y a quelques années, un autre labo chinois avait trouvé comment transformer du dioxyde de carbone en méthanol, à température ambiante. On capte la pollution d’une cheminée, on la traite, et hop : du méthanol. Et ce méthanol, on le transforme maintenant en sucre.
Oui, on passe de la fumée d’usine à la sucrière. On est encore loin de l’usine à bonbons, mais l’idée est là !
Des enzymes plus efficaces qu’un champ de canne
Le plus fou ? Leur système marche très bien. Le rendement atteint 86 %. C’est énorme pour un procédé de labo.
De plus, en modulant les réactions, les chercheurs ont aussi réussi à fabriquer du fructose, de l’amylose, de l’amidon, et même des sucres complexes qu’on utilise dans la pharmacie ou l’alimentation infantile.
Imaginez un labo capable de produire au choix : du sucre pour les biscuits, des fibres pour les intestins, ou des prébiotiques pour les nourrissons. Tout ça, sans jamais planter une graine.
Une révolution dans l’assiette ?
On ne remplacera pas tout de suite les betteraves du Nord par des cuves remplies d’enzymes. Il reste du travail : stabiliser le système, améliorer les rendements, baisser les coûts mais le concept pourrait être étudié en profondeur dans les années à venir.
Imaginez un container posé dans une zone industrielle. D’un côté, on y injecte du CO₂ capté à la sortie d’une usine. De l’autre, on en sort du sucre pur.
Ce n’est plus de la science-fiction, ce n’est pas encore non plus une réalité industrielle mais la première étape a été validée.
Et dans l’avenir ?
Les chercheurs le disent eux-mêmes : ce système est une base pour toute une nouvelle génération de bio-usines, qui pourraient produire à la demande des glucides, des fibres, des médicaments… à partir d’air et de quelques enzymes.
Alors non, votre prochain éclair au café ne viendra pas encore d’un nuage de CO₂ mais d’ici vingt ans ? Allez savoir. Ce qu’on voit là, c’est peut-être le début de la grande cuisine moléculaire post-agriculture !
Source :
De novo artificial synthesis of hexoses from carbon dioxide
Jiangang Yang, Wan Song, Tao Cai, Yuyao Wang, Xuewen Zhang, Wangyin Wang, Peng Chen, Yan Zeng, Can Li, Yuanxia Sun, Yanhe Ma,
Science Bulletin,
Volume 68, Issue 20,
2023,
Pages 2370-2381,
ISSN 2095-9273,
https://doi.org/10.1016/j.scib.2023.08.023.
Image : Sucre épars et cubes de sucre sur fond rose à plat (Freepik)