La France l’avait imaginé il y a des années mais c’est bien la Chine qui est en train de construire le premier réacteur nucléaire rapide refroidi au sodium

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La Chine relance la fission du futur : ces réacteurs qui recyclent les déchets et ne fondent pas

Une machine nucléaire capable de recycler son propre combustible, extraire 100 fois plus d’énergie que nos centrales classiques et éviter la fusion du cœur même en cas de coupure totale d’électricité ? Oui, ça existe et c’est chinois.

Le 27 août 2025, Pékin a annoncé une percée majeure dans son projet de réacteur à neutrons rapides refroidis au sodium, un réacteur de génération IV donc encore en phase expérimentale mais très prometteur.

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Le CFR-1000 chinois emploie une technologie capable d’utiliser ce que les autres rejettent : les déchets nucléaires

On a souvent dit que le nucléaire produisait trop de déchets. C’est vrai, mais dans une certaine mesure le projet chinois rebat les cartes. Avec son programme de réacteurs rapides CFR, Pékin ne se contente plus de produire de l’électricité : il transforme les combustibles usés… en nouveaux combustibles.

Ces réacteurs à neutrons rapides peuvent “brûler” l’uranium 238, largement inutilisé dans nos centrales à eau pressurisée, et même recycler le plutonium pour fournir jusqu’à 100 fois plus d’énergie extraite à partir du même uranium, et jusqu’à 90 % de déchets radioactifs en moins à long terme. Le rêve d’un cycle nucléaire fermé prend enfin forme !

Comment lutter contre la Chine qui construit des centrales nucléaires à 1,84 € le watt quand la France paie le double et les États-Unis près de 14 ?

Du CFR-600 au CFR-1000 : l’industrie passe la seconde

Le CFR-600, en construction à Xiapu (province du Fujian), marque la deuxième étape du programme chinois. Avec ses 600 MWe de puissance, il servira de démonstrateur grandeur nature. Il succède au petit CEFR de 20 MWe, un prototype russo-chinois qui a permis de tester la filière dès 2010.

La vraie révolution, cependant, s’appelle CFR-1000. Ce futur mastodonte commercial (prévu après 2030) ambitionne de fournir plus de 1 000 MWe, l’équivalent d’une centrale nucléaire classique. Son design a été finalisé en juillet 2025. Il représentera la première centrale à neutrons rapides industrielle en Chine, construite autour d’un cycle fermé de retraitement du combustible.

Un cœur qui ne fond pas, même sans électricité

L’un des points faibles de Fukushima, on s’en souvient, c’était la perte de l’alimentation électrique. Sans pompe pour refroidir le cœur, la catastrophe était inévitable.

Avec la nouvelle technologie de refroidissement passif testée en 2025 par la CIAE (China Institute of Atomic Energy), le cœur du réacteur peut se refroidir tout seul. Grâce à la circulation naturelle du sodium liquide, plus besoin de pompe ni de générateur : la chaleur s’évacue par simple convection. Ce système, testé avec succès sur un banc d’essai reproduisant une coupure de courant, rend ces réacteurs bien plus résistants à l’accident.

Coopération avec la Russie : une alliance atomique stratégique

Moscou n’est jamais bien loin quand il s’agit de réacteurs rapides. Depuis les années 2000, la Russie alimente la Chine en combustible pour ses prototypes, via son usine d’Elektrostal. Le CEFR a d’ailleurs été conçu avec l’aide d’OKBM Afrikantov.

Le contrat de fourniture de combustible pour les CFR-600 a été signé en 2018. Il comprend également la production de générateurs de vapeur par ZiO-Podolsk, ainsi que le développement d’un atelier de fabrication spécifique pour les assemblages MOx à haut rendement. En 2023, une coopération de long terme a même été officialisée entre Rosatom et la Chine autour de cette filière à neutrons rapides.

Une ambition claire : dominer le nucléaire du milieu du siècle

Pékin voit grand. Très grand même. Le but affiché est de faire de la filière rapide sodium la colonne vertébrale de l’électricité nucléaire chinoise d’ici 2050.

Pour cause : avec plus de 2 millions de tonnes d’uranium appauvri stockées dans le monde, cette technologie permettrait de produire de l’électricité pendant des siècles sans extraire un gramme de minerai supplémentaire.

Le 4e plus grand aéroport du monde vient d’avoir une idée qui aurait été qualifiée de « démente » il y a quelques années : s’alimenter avec une centrale nucléaire interne

La France précurseur… Pour du beurre

Ce que la Chine est en train de bâtir avec le CFR-600 et le futur CFR-1000, la France l’avait conçu sur plan : un réacteur rapide à sodium, en boucle fermée, capable de recycler le plutonium, valoriser l’uranium 238 et incinérer les actinides mineurs pour réduire les déchets nucléaires à vie longue. Ce projet, c’était ASTRID. Lancé en 2010 par le Commissariat à l’énergie atomique, il devait prolonger la lignée des réacteurs expérimentaux Rapsodie, Phénix et Superphénix. Puissance prévue : 600 MWe. Objectif : prouver que le nucléaire de quatrième génération pouvait fermer le cycle du combustible et produire jusqu’à cent fois plus d’énergie que les centrales classiques à eau pressurisée.

Tout y était : un design ultramoderne, les meilleurs standards de sûreté de l’époque, un site prévu à Marcoule, un atelier de fabrication de combustible à La Hague, et même un partenariat avec le Japon pour tester les combustibles à Tsuruga. Bouygues, EDF, Areva, Rolls-Royce, Alstom… les industriels étaient là. Jusqu’à 500 personnes mobilisées. Plus de 700 millions d’euros déjà dépensés.

Et pourtant… en 2019, le couperet tombe : trop cher, pas prioritaire, projet suspendu. Le CEA propose de réduire la voilure à un démonstrateur de 100 MWe. L’État dit non. Le rêve s’évapore. ASTRID est remisé dans les cartons pour “la deuxième moitié du siècle”.

Il faudra attendre mars 2025, et un réveil stratégique du Conseil de politique nucléaire à l’Élysée, pour que le projet soit timidement relancé. Un démonstrateur pourrait enfin être construit à partir de 2038, pour une mise en service entre 2045 et 2050. L’industrialisation, elle, n’interviendrait qu’après 2060.

Pendant ce temps, la Chine aura mis en service deux générations de réacteurs rapides, validé leur refroidissement passif, et recyclé des tonnes de combustible usé dans des installations opérationnelles. À la fin, la question ne sera pas seulement technologique. Elle sera géopolitique. Qui maîtrise la boucle fermée du nucléaire ? Qui valorise ses déchets ? Qui produit plus avec moins ? Aujourd’hui, ce n’est plus la France qui montre la voie.

Sources :

  • https://www.neimagazine.com/news/china-finalises-design-of-cfr-1000-fast-reactor
  • https://www.scmp.com/news/china/science/article/3323301/china-tests-meltdown-proof-tech-nuclear-waste-recycling-fast-reactor

Image : La centrale nucléaire de Qinshan, dans la province du Zhejiang, en 2023. Photo : China National Nuclear Corporation

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

15 Commentaires

  1. Vous oubliez juste au passage les écolos qui ont tout fait pour fermer le proto SuperPhenix…..
    Et maintenant on achètera la technologie aux Chinois alors que nous étions les précurseurs….

    • Normal, ont est des glands,tout se que l’ont sait faire,c’est vouloir donner des leçons aux autres,tout les cerveaux que la France forment,partent travailler à l’étranger.

    • Et oui, on se demande d’où sortent ces soi-disant journalistes spécialistes, la France était la pionnière de cette technique dans les années 1975 à 1980.
      Phénix à Marcoule (250 MW) puis Super Phénix à CREYS-MALVILLE (1300 MW).
      La filière a été abandonnée à cause d’un marchandage politico-écologiste .

  2. Bonjour.
    mauvaise exemple que de prendre fukusuma pour valoriser ce nouveau type de réacteur. Tt simplement parceque le refroidissement se fait avec du sodium. La centrale a était envahi pas l’eau de mer résultat eau plus sodium égal une réaction extrêmement violente. Sans être ingénieur les conséquences aurait pue être les même. Mais ça n’empêche pas d’y voir un énorme avancement pour le traitement des déchets du nucléaire. Merci pour votre article.

  3. On ne dira pas merci aux écolos, à Voynet, à Greenpeace, aux allemands….
    Tout ceux qui ont participé à la mort du nucléaire de génération 4 (et à l’abandon du nucléaire en général) devraient êtres jugés pour trahison.

    • À cause d’un tel niveau de conséquences, d’un tel degré de nocivité, on ne serait pas fâchés que les responsables soient jetés en prison à vie, sans jugement.

  4. Pas seulement les écolos.
    Phenix a ete un succés.
    Mais Superphénix a subi des fuites, du fait d’une malencontreuse corrosion
    imputable à l’acier recyclé, dégradé par des traces d’impuretés chimiques.

    .

  5. Bonjour, reportage très intéressant….il y a une petite erreur selon moi, 1,84 € le watt….cela me semble TRÈS cher, c’est plutôt le kilo watt.
    Bonne journée

  6. Après internet, le concorde et l’aérotrain, encore une invention française qui sera abandonnée ou développée à l’étranger faute de soutien politique.
    Il y avait pourtant un candidat à la présidentielle en 2012, 2017 (et 1995) qui proposait de miser et d’investir à fond sur le nucléaire de 4ème génération en France mais on l’a moqué pour son programme spatial… L’art de notre pays de se tirer des balles dans le pied est prodigieux alors qu’on a des talents précieux !

  7. Voilà ce qui arrive quand c’est l’Etat français polycéphale (gouvernements, administration, population) qui est aux commandes. Une vision court-termiste portée par des idiots. Je vois aussi loin que ma prochaine élection et pas au-delà (politicien). Ca coûte trop cher et il faut remplir toutes les conditions et les papiers administratifs (l’administration). C’est bien mais pas à côté de chez moi et surtout ça ne doit pas déranger mon petit confort..je vous laisse deviner qui. Tous se réclament de De Gaule ou l’admire…le pauvre s’il savait quel est le niveau du pays actuellement. Moi je vous dis seulement ceci…Res non verba. Qui veut des résultats compte sur ses talents. Qui veut la victoire entraîne son armée. Qui veut la paix prépare la guerre. Et, Gouverner c’est prévoir.
    Deviner à qui (au pluriels) je fais référence. En tout cas, la Chine sans avoir ces références applique cette état d’esprit.
    Une dernière mis en garde pour les idiots. Cela a été longtemps dit: les États qui s’en sortiront, seront ceux qui maîtriseront leur eau, leur nourriture, leur énergie, leur économie et leur armée…et j’ajoute l’intelligence. Histoire de ne pas avoir des crétins finis et myopes aux commandes. Et ceci n’est que la liste principale. Bref on est mal barré. La preuve en est de la question budgétaire 2026 de la France. C’est soit disant comme du lait sur le feu. Moi, je dis que c’est un sujet où les idiots débiles se noient dans une goutte d’eau. Voir ce qui est cité plus haut.

  8. Comme quoi la Chine supplante la France qui est encore aux siècles des lumières. La France, ce pays qui ne veut pas avancer mais qui recule beaucoup car on veut rester sur le savoir faire français 🤣🤣
    Vive la Chine 👍👏
    Il faut pas croire, après c’est elle qui va tout racheter en France et franchement on vivra beaucoup mieux.
    Je préfère le patronat asiatique que le patronat français car eux au moins se préoccupent de leurs salariés.

  9. Ce nest pas la Chine, mais bien la France, qui était en avance dans ce concept. La France avait déjà construit et exploité des centrales de technologie “Rapide-Sodium”, avec Phénix de 250 MW qui a fonctionné 27 ans, de 1973 à 2000, et avec Superphénix de 1200 MW, qui à démarré et fonctionné quelques mois en 1997… jusqu’à ce que Jospin poussé par Voynet décide son arrêt. Décision de stupidité totale et aux conséquences immenses pour la gestion future de nos besoins d’énergie sans émissions de CO2. …
    Par la suite le CEA avait bien tenté de relancer, avec le projet Astrid, mais les Ecologistes ont encore sévi, et ont convaincu Hollande puis Macron tout abandonner.
    JFD

  10. Oui , j’ai .lu les commentaires il n’y a pas grand chose à ajouter sauf que le pays s’enfonce dans le chao et s’éteint
    Inexorablement due à des politiques et une immigration
    qui n’a jamais rien apporté à ce pays .
    certains appellent cela le pays des Bisounours.

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