Ce repas imprimé à 14 ingrédients cuit au laser va retourner votre cuisine
Un laboratoire américain vient de cuisiner un repas de trois plats avec une imprimante 3D et… des lasers. Plus besoin de poêle, de four, ni même de plaque. Juste une machine, un fichier, et de la lumière concentrée. On avait déjà le Thermomix mais là je crois qu’on vient de passer à la vitesse supérieure, à ce rythme-là mon métier va devenir inutile !
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Une cuisine de laboratoire aux airs de restaurant gastronomique
Dans un atelier situé à New York, des ingénieurs ont cuisiné un repas entier (donc entrée, plat, dessert) en assemblant pas moins de 14 ingrédients différents, couche par couche, puis en les cuisant au laser directement pendant l’impression. La prouesse technique n’est pas un caprice de geek.
Elle repose sur la cuisson par laser à longueurs d’onde multiples, une méthode de contrôle thermique d’une précision diabolique.
Chaque rayon laser chauffe la nourriture à des profondeurs différentes, de 0,2 à 2 mm, comme si on pouvait saisir la surface d’un steak tout en gardant le cœur tendre, sans jamais le toucher. Cette méthode, testée sur des pâtes de biscuits à base de crackers Graham, a permis d’ajuster l’élasticité, la fermeté, et la mâche du produit fini, en modulant le temps et la fréquence d’exposition des couches à différents lasers : bleu (445 nm), proche infrarouge (980 nm) et moyen infrarouge (10 600 nm).
Ce que l’œil ne voit pas, la mâchoire le ressent
L’enjeu principal n’était pas le goût (heureusement pour moi on n’en est pas encore là). Ni même l’apparence. Le vrai défi, c’était la texture.
Dans l’univers de l’aliment imprimé, les chefs du futur se battent contre le syndrome du pâté de colle. Trop souvent, les aliments sortent de l’imprimante comme des blocs mous, homogènes, fades au toucher, sans croûte, sans résistance. Bref, sans vie. Même si l’esthétique est au rendez-vous, une bouchée suffit à tuer l’expérience.
C’est là qu’interviennent les lasers. Contrairement à un four traditionnel qui chauffe tout d’un bloc et à grande échelle, le laser agit comme un pinceau thermique. Il permet de cuire certaines zones de manière très localisée, voire de leur donner une texture croustillante tout en gardant le reste fondant. Résultat : chaque bouchée peut contenir plusieurs textures, comme dans un plat gastronomique.
Le menu imprimé le plus complexe au monde
Voici ce que les chercheurs ont réussi à concevoir et imprimer avec leur machine expérimentale :
Plat | Ingrédients utilisés | Texture programmée |
---|---|---|
Entrée | Houmous, pâte de betterave, gel de citron | Croquant extérieur, cœur fondant |
Plat principal | Purée de pois chiches, pâte de champignons, sauce tomate laserisée | Superposition de couches moelleuses et élastiques |
Dessert | Pâte de biscuits, crème de vanille, gel de fruit rouge, éclats de cacao | Croûte caramélisée, intérieur onctueux |
C’est, selon les chercheurs, le repas imprimé en 3D le plus complexe jamais réalisé. Et probablement le premier où la cuisson est intégrée directement au processus d’impression, sans avoir besoin de passer le plat au four.
Des lasers dans ta cuisine ? Pas tout de suite
Avant de rêver d’un robot-cuisinier-laser dans votre cuisine, il faut être clair : on est encore dans un laboratoire. L’installation coûte plusieurs dizaines de milliers d’euros, les lasers doivent être manipulés sous strictes conditions de sécurité, et la précision d’impression repose sur des algorithmes calibrés au micron.
Cependant, plusieurs pistes sérieuses émergent pour les applications à venir :
- Hôpitaux et maisons de retraite : pour adapter la texture à des patients ayant des troubles de la déglutition
- Régimes personnalisés : intégration automatique de protéines végétales ou vitamines selon les besoins
- Alimentation spatiale : impression en environnement confiné, sans feu ni flamme
- Restauration haut de gamme : impression de plats signés, texture programmable, personnalisation à la demande
Une approche logicielle du goût
Ce que ce projet change fondamentalement, c’est la manière d’envisager un plat. On passe d’une cuisine basée sur le geste et l’expérience, à une cuisine paramétrée par algorithmes. Il ne s’agit plus seulement de suivre une recette. Il s’agit de programmer une structure, une texture, une réponse sensorielle.
Selon le chef de projet, chaque paramètre de cuisson peut être codé dans un fichier numérique. On peut donc envoyer un plat imprimé sur commande depuis Tokyo, et le reproduire à l’identique à Bordeaux ou Séoul, avec la même précision millimétrique. C’est l’équivalent culinaire du fichier MP3 : un plat compressé dans un fichier, prêt à être rejoué.

Une révolution invisible dans l’assiette
Ce que ce repas au laser annonce, c’est peut-être l’industrialisation silencieuse du goût. Une rationalisation extrême de la cuisine, où chaque variable : humidité, densité, élasticité deviendrait un paramètre ajustable.
Les aliments, autrefois cuits en masse dans des usines, pourraient demain être imprimés sur place, à la demande, sans gaspillage ni surproduction. Un gel de carotte reconstitué en steak ? Une purée de pois programmée pour fondre sous la langue ? C’est techniquement possible.
À terme, ces technologies pourraient réduire les besoins logistiques, la consommation d’énergie (plus de four industriel à 250 °C pendant des heures), et adapter chaque bouchée au profil médical ou nutritionnel de la personne.
En quelques chiffres pour résumer :
Données clés | Valeurs |
---|---|
Nombre d’ingrédients | 14 |
Nombre de lasers utilisés | 3 (445 nm, 980 nm, 10 600 nm) |
Profondeur de cuisson laser | 0,2 à 2 mm |
Durée moyenne d’impression d’un plat | 25 minutes |
Énergie consommée par portion | entre 90 et 120 Wh |
Coût estimé d’une machine complète | environ 70 000 euros |
Souhaitez-vous une version imprimée de votre bœuf bourguignon qui respecte votre intolérance au gluten, votre seuil glycémique et votre amour pour les croûtes bien caramélisées ? Elle arrive.
Et cette fois, elle sera cuite au laser !
Source :
Multi-wavelength laser texturization with 3D-printed foods (en français « Texturation laser multi-longueurs d’onde avec des aliments imprimés en 3D »)
Jonathan David Blutinger, Evan Lloyd Omo, Pol Bernat, Hod Lipson,
Journal of Food Engineering,
Volume 406,
2026,
112798,
ISSN 0260-8774,
https://doi.org/10.1016/j.jfoodeng.2025.112798.
(https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0260877425003334)