Le rapport récent du Shift Project met en lumière un paradoxe contemporain : bien que le numérique soit perçu comme immatériel, son infrastructure physique et sa consommation énergétique sont bien réelles et en croissance. Actuellement, le numérique représente 3 à 4% des émissions mondiales de CO2, un chiffre en hausse de 6% par an. Pour la France, cette part atteint même 25% de l’empreinte carbone nationale. Face à l’urgence climatique, le secteur se voit assigner un objectif ambitieux de réduction de ses émissions de 30% d’ici 2030, par rapport à 2020.
L’engouement pour les mondes virtuels: Une évolution inévitable
Les mondes virtuels, comprenant la réalité augmentée et virtuelle, suscitent un intérêt croissant depuis les années 1990, nourri par la pop culture, les jeux vidéo, et plus récemment, par les initiatives de grandes entreprises technologiques comme Meta. Ce renouveau d’intérêt pour les mondes virtuels, au-delà de l’effet de mode, s’inscrit dans une dynamique technologique longue et profonde, qui dessine les contours de notre avenir numérique. Le rapport souligne l’importance de cette tendance, non seulement pour le secteur du numérique mais également pour son impact environnemental potentiel.
Quatre caractéristiques définissant les mondes virtuels
Le Shift Project identifie quatre caractéristiques essentielles pour comprendre les mondes virtuels : l’immersion, la virtualisation, la simultanéité, et la persistance. Ces aspects, combinés à la possibilité de commercialiser des biens virtuels et à l’interaction accrue entre le réel et le virtuel, amplifient les défis liés à la consommation énergétique et aux infrastructures nécessaires au déploiement des mondes virtuels.
Un impact environnemental non négligeable
L’analyse effectuée par le Shift Project révèle que l’adoption massive et non différenciée des services de mondes virtuels pourrait conduire à une augmentation significative de l’empreinte carbone du secteur numérique, potentiellement jusqu’à 7% des émissions mondiales de CO2 en 2030. Cela représenterait une évolution insoutenable, incompatible avec les objectifs de décarbonation fixés.
Vers une adoption responsable des mondes virtuels
Pour concilier développement des mondes virtuels et impératifs écologiques, le rapport recommande une série de mesures pragmatiques :
- Mesure et transparence : Réaliser des études d’impact préalables pour évaluer les bénéfices énergétiques et climatiques des services proposés.
- Optimisation : Favoriser des paradigmes de conception innovants et sobres en énergie.
- Réorganisation collective : Se détourner des spécifications et projets incompatibles avec une réduction significative de l’impact environnemental.
- Formation et compétences : Sensibiliser les acteurs de l’innovation aux conséquences de leurs choix technologiques.
Un virage vers la sobriété numérique
Le rapport du Shift Project nous interpelle sur la nécessité d’aligner le développement technologique avec les enjeux de la transition écologique. La sobriété numérique apparaît non seulement comme une contrainte mais comme une opportunité de repenser notre rapport à la technologie. Dans ce contexte, les mondes virtuels représentent à la fois un défi et une chance de réinventer un écosystème numérique européen résilient et responsable pour le XXIème siècle.