Des océanographes ont observé la plus grande frénésie alimentaire jamais enregistrée dans la mer de barents, où des millions de capelans ont été dévorés en quelques heures seulement par des morues de l’atlantique.
Les capelans : Une proie de choix
Les capelans, petits poissons arctiques, sont essentiels dans l’écosystème marin, servant de nourriture à de nombreux prédateurs, notamment la morue de l’atlantique. Chaque année, ces poissons migrent en masse vers les côtes norvégiennes pour pondre leurs œufs, créant ainsi un “hotspot écologique” qui attire une quantité importante de prédateurs.
En 2014, des scientifiques ont utilisé une technique innovante de sonar, appelée Ocean Acoustic Waveguide Remote Sensing (OAWRS), permettant de cartographier en temps réel les mouvements sous-marins à une échelle inégalée. Ils ont observé les capelans former un banc gigantesque de près de 23 millions d’individus sur une distance de plusieurs kilomètres.
La frénésie des morues
En réponse à cette concentration massive de capelans, des milliers de morues se sont elles aussi rassemblées, formant un banc prédateur qui s’est jeté sur les proies. En quelques heures, plus de 10 millions de capelans ont été consommés, soit près de la moitié de la population regroupée.
L’impact du changement climatique
Bien que ce type de prédation intense ne représente pas forcément une menace directe pour l’ensemble de la population de capelans, il pose la question des effets du changement climatique. Avec la diminution des habitats et la réduction des zones de frai, ces événements de prédation pourraient avoir un impact considérable sur la biodiversité marine.
Les scientifiques s’inquiètent que la perte progressive des “hotspots” de reproduction, due à des facteurs climatiques ou anthropogéniques, augmente la vulnérabilité de certaines espèces. Des événements naturels de prédation, autrefois anodins, pourraient alors conduire à des conséquences dramatiques pour des espèces cruciales dans la chaîne alimentaire marine.
Innovations scientifiques et compréhension des écosystèmes
L’utilisation du sonar OAWRS a permis de mieux comprendre le comportement des prédateurs et des proies dans cet écosystème complexe. Cette technique, capable de distinguer les capelans des morues par leur résonance acoustique unique, représente une avancée notable pour l’étude des dynamiques marines. Les capelans ont des vessies natatoires qui résonnent comme les notes aiguës d’un piano, tandis que celles des morues ont une résonance plus grave, facilitant l’identification de chaque espèce.
Un équilibre fragile
Ces observations soulignent la fragilité de l’écosystème marin, où un simple dérèglement peut provoquer un effet en cascade sur l’ensemble des espèces qui en dépendent. Les scientifiques mettent en garde : “quand la dernière grande concentration d’une population disparaît, c’est l’ensemble de l’espèce qui est menacé”. Il est donc primordial de comprendre ces dynamiques avant qu’il ne soit trop tard, et de prendre des mesures pour protéger ces “hotspots” essentiels à la survie de nombreuses espèces marines.
Source de l’étude : Pednekar, S., Jain, A., Godø, O.R. et al. Rapid predator-prey balance shift follows critical-population-density transmission between cod (Gadus morhua) and capelin (Mallotus villosus). Commun Biol 7, 1386 (2024). https://doi.org/10.1038/s42003-024-06952-6