Les récentes recherches sur les grandes aires marines protégées (LSMPAs) révèlent des bénéfices inattendus : en plus de protéger les espèces migratoires, ces zones favorisent une augmentation des taux de capture pour les pêcheries opérant à proximité. Une étude publiée dans la revue Science le 12 décembre 2024 met en lumière ces effets de “retombées” bénéfiques, en particulier sur des espèces comme le thon obèse.
Des bénéfices mesurés et quantifiables
Les chercheurs ont analysé les impacts de neuf LSMPAs réparties dans les océans Pacifique et Indien. Ils ont constaté que les zones interdites à la pêche entraînent, en moyenne, une augmentation de 12 à 18 % du rendement par unité d’effort de pêche dans les eaux adjacentes. Ces bénéfices sont particulièrement marqués pour le thon obèse, avec des hausses allant de 2 à 11 % selon les espèces de thons étudiées.
Exemple marquant : la réserve marine de Revillagigedo au Mexique. Les données montrent que près de 100 % des bénéfices liés à ces retombées profitent aux flottes mexicaines, soulignant que les nations investissant dans la conservation bénéficient directement des résultats économiques associés.
Des effets amplifiés par une gestion rigoureuse
D’après Juan Carlos Villaseñor-Derbez, professeur à l’Université de Miami, les bénéfices des LSMPAs sont maximaux aux frontières immédiates des zones protégées et augmentent avec le temps. Les zones fortement exploitées avant leur mise en protection, et maintenant bien surveillées, présentent les résultats les plus probants.
Par exemple, le monument national marin Papahānaumokuākea, situé dans les îles hawaïennes du nord-ouest, a permis une augmentation de 10 % des captures de thon obèse à proximité. Ces résultats sont cohérents avec une étude récente qui a enregistré une augmentation de 13 % pour la même espèce grâce à une gestion rigoureuse.
Une avancée pour la préservation et la pêche durable
Ces résultats s’inscrivent dans un contexte international marqué par des objectifs ambitieux, tels que la protection de 30 % des océans mondiaux d’ici 2030, conformément à l’Accord des Nations unies sur la biodiversité en haute mer. Les interactions entre LSMPAs, stocks de thonidés et pêcheries apparaissent désormais comme un levier stratégique pour atteindre ces objectifs.
L’étude s’appuie sur une base de données mondiale inédite sur les captures de thonidés, utilisant exclusivement des données publiques. Selon Villaseñor-Derbez, cette méthode constitue une première dans l’analyse des impacts des LSMPAs à grande échelle.
Une expansion rapide des grandes aires marines protégées
En 2004, une seule LSMPA existait dans le monde : la réserve marine des Galápagos en Équateur. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 20, dont certaines situées dans des zones où les pêcheries de thons représentent une industrie de plus de 40 milliards de dollars à l’échelle mondiale.
John Lynham, professeur d’économie à l’Université d’Hawaï, souligne que cette expansion permet enfin de mesurer l’impact de ces zones protégées sur des espèces comme le thon jaune et le listao, des piliers de l’industrie mondiale.
Des perspectives pour les océans et les économies
L’étude montre que la conservation marine n’est pas seulement un outil pour préserver la biodiversité, mais aussi un vecteur de gains économiques pour les nations investies dans la gestion durable des ressources. Ces résultats confirment le rôle essentiel des LSMPAs pour concilier la protection des écosystèmes marins et les activités économiques dépendantes des océans.
Le financement de ces recherches par la National Science Foundation démontre l’importance croissante accordée à la compréhension des interactions entre la protection des océans et les dynamiques économiques.
L’université de Miami et son rôle dans l’étude des océans
L’université de Miami, et plus particulièrement l’école Rosenstiel de sciences marines, atmosphériques et de la Terre, se distingue par ses recherches d’avant-garde. Avec plus de 400 millions de dollars dédiés chaque année à des programmes de recherche, elle joue un rôle clé dans la compréhension des systèmes marins et leur préservation.
Les travaux de l’université visent non seulement à protéger des espèces menacées, mais également à soutenir des secteurs comme la pêche et l’aquaculture, en garantissant leur durabilité face aux défis environnementaux mondiaux.
Les grandes aires marines protégées se révèlent être des outils essentiels pour l’avenir des océans et des pêcheries. À travers des exemples comme Revillagigedo ou Papahānaumokuākea, ces zones démontrent leur potentiel pour renforcer à la fois la conservation de la biodiversité et la rentabilité économique des activités de pêche adjacentes.
Source de l’article : http://dx.doi.org/10.1126/science.adn1146