Les proliférations d’algues sont devenues un phénomène préoccupant à l’échelle mondiale. Une étude menée par le professeur Lian Feng, de la Southern University of Science and Technology, révèle une augmentation significative de leur fréquence au cours des vingt dernières années, touchant près de la moitié des 1956 grands lacs analysés.
Des disparités géographiques marquées
L’Europe est la région la plus touchée par ces proliférations, suivie de l’Amérique du Nord. Les lacs situés en Amérique du Sud, en Afrique de l’Est et dans les zones subtropicales connaissent également des épisodes fréquents. Les lacs de moins de 1000 km² sont particulièrement vulnérables, alors que dans les plus grands lacs, les proliférations d’algues sont majoritairement concentrées dans les zones côtières et peu profondes.
L’analyse de 620 lacs possédant plus de dix ans de données sur les proliférations d’algues révèle que 504 d’entre eux enregistrent une hausse constante du phénomène. À l’échelle mondiale, la fréquence annuelle médiane des proliférations d’algues a augmenté de 1,8 % par an depuis vingt ans.
Une accélération marquée depuis 2015
L’évolution des proliférations d’algues ne suit pas un rythme linéaire. L’étude montre que l’accélération est quatre fois plus rapide depuis 2016 qu’elle ne l’était entre 2003 et 2015.
- Entre 2003 et 2015 : +1,1 % par an
- Entre 2016 et 2022 : +4,6 % par an
Les lacs subtropicaux sont particulièrement affectés, avec 51,9 % d’entre eux montrant une augmentation notable, contre seulement 11,1 % enregistrant une baisse. En revanche, dans les zones tropicales, l’augmentation reste plus modérée, +1,4 % par an.
Le rôle déterminant de la température
L’étude établit une corrélation directe entre la température de l’air et la fréquence des proliférations d’algues. Entre 2003 et 2022, la fréquence annuelle des proliférations dans les lacs concernés présente un coefficient de corrélation de 0,43 (P<0,05) avec les variations de température moyenne.
Dans 44,8 % des lacs touchés, la température quotidienne s’avère être le facteur le plus influent, surpassant les précipitations, la vitesse du vent et même les concentrations en nutriments.
Les conditions climatiques chaudes favorisent massivement la prolifération algale :
- 59,4 % des épisodes de proliférations d’algues surviennent lorsque la température excède 20°C.
- Les lacs des hautes latitudes sont particulièrement exposés au réchauffement climatique, ce qui amplifie encore le phénomène.
Si les précipitations et le vent jouent un rôle, leur impact reste secondaire comparé à celui de la température.
L’impact des nutriments : un facteur toujours présent mais parfois saturé
L’étude souligne également le rôle des intrants agricoles et de l’élevage, notamment à travers les apports en azote, qui sont fortement corrélés avec la fréquence des proliférations d’algues.
Toutefois, dans certains lacs, l’absence de corrélation nette entre la concentration en nutriments et la fréquence des blooms peut s’expliquer par plusieurs phénomènes :
- Un niveau de saturation des apports en nutriments, où une augmentation supplémentaire ne joue plus un rôle limitant.
- Le recyclage interne des nutriments dans les sédiments des lacs.
- Une influence combinée de plusieurs facteurs météorologiques et environnementaux, rendant difficile l’isolement d’un seul élément déterminant.
Vers une surveillance accrue et des mesures d’atténuation
Les résultats de cette étude mettent en lumière l’impact croissant du changement climatique sur les écosystèmes lacustres. L’augmentation des températures, combinée à des apports massifs en nutriments, crée un terrain favorable à l’expansion des proliférations d’algues.
Ces proliférations ne sont pas anodines. Elles affectent la qualité de l’eau, la biodiversité et la santé humaine, tout en générant des coûts importants pour les collectivités qui doivent mettre en place des mesures de traitement et de prévention.
Une surveillance renforcée et des stratégies de gestion adaptées sont essentielles pour limiter leur progression. Cela implique notamment :
- Un suivi rigoureux des températures et des niveaux de nutriments.
- La mise en place de politiques agricoles et environnementales limitant les apports excessifs en azote et en phosphore.
- Une meilleure gestion des rejets domestiques et industriels.
Le défi est d’autant plus grand que les tendances observées pourraient s’intensifier dans les prochaines décennies, rendant la lutte contre les proliférations d’algues une priorité environnementale mondiale.
Source de l’étude : http://dx.doi.org/10.1093/nsr/nwaf011