C’est une scène bien connue : vous placez une bouteille d’eau au congélateur, vous l’oubliez, et quelques heures plus tard, elle a explosé. Mais pourquoi l’eau, en gelant, brise-t-elle le verre, même quand la bouteille n’est pas complètement remplie ? Des chercheurs de l’Université d’Amsterdam ont mené l’enquête et découvert des mécanismes insoupçonnés.
L’eau ne gèle pas d’un seul bloc
Lorsqu’un liquide refroidit, on pourrait penser qu’il devient progressivement un bloc de glace uniforme. Ce n’est pourtant pas le cas. L’eau commence à geler à la surface exposée à l’air, avant que le froid ne progresse vers l’intérieur de la bouteille. Ce processus piège parfois des poches d’eau liquide sous une couche de glace déjà formée.
Le problème survient au moment où ces poches d’eau encore liquides se figent à leur tour. Contrairement à la phase liquide, l’eau en se transformant en glace prend plus de place. Si elle est enfermée dans un espace réduit par la glace déjà formée, elle exerce une pression énorme sur les parois de la bouteille. Selon les chercheurs, cette pression peut atteindre 260 mégapascals – soit quatre fois la résistance du verre utilisé dans leurs expériences. Résultat : la bouteille éclate sous l’effet de cette pression interne.
Comment éviter l’explosion des bouteilles dans le congélateur ?
Deux solutions simples permettent de limiter ces risques.
- Favoriser un refroidissement plus uniforme
Le premier levier d’action consiste à abaisser la température de l’eau avant qu’elle ne commence à geler. En dessous de 0 °C, l’eau peut rester liquide dans un état dit “supercooled” (ou surfusion en français). Lorsqu’elle gèle enfin, elle ne forme pas un bloc uniforme, mais une structure irrégulière aux ramifications fines, remplies de minuscules bulles d’air. Ces bulles jouent un rôle clé : elles permettent à l’eau de se dilater sans accumuler une pression suffisante pour casser le contenant.
Les chercheurs ont observé que cet effet de surfusion est plus fréquent dans des bouteilles plus petites. Pourquoi ? Parce qu’une petite bouteille refroidit plus vite qu’une grande, ce qui favorise une descente rapide sous 0 °C sans amorcer immédiatement la cristallisation.
- Faire en sorte que la glace ne se forme pas en premier à la surface
L’autre solution est de modifier la manière dont l’eau gèle en empêchant la formation d’une couche de glace en surface avant le reste du liquide.
Dans une bouteille en verre classique, l’eau a tendance à s’élever légèrement le long des parois, formant une courbe concave. Cette fine couche en contact avec le verre est plus immobile que le reste du liquide, ce qui favorise sa congélation précoce. Dès que cette couche devient solide, elle piège l’eau sous-jacente et augmente les risques d’éclatement.
Les chercheurs ont constaté que les bouteilles dont les parois sont recouvertes d’un revêtement hydrophobe (qui repousse l’eau) réduisent considérablement ce phénomène. L’eau y forme une surface plus plate, ce qui favorise une congélation homogène depuis le bas de la bouteille vers le haut. Cela empêche la formation de poches d’eau emprisonnées et limite les tensions internes.
Quels types de bouteilles choisir ?
Si vous souhaitez congeler une boisson sans risquer l’explosion, plusieurs éléments sont à prendre en compte.
- Privilégier les bouteilles en plastique plutôt qu’en verre. La plupart des plastiques, comme le PET (utilisé pour les bouteilles d’eau et de soda), ont des surfaces naturellement hydrophobes et sont plus flexibles, ce qui leur permet d’absorber une certaine pression sans se rompre.
- Utiliser des bouteilles plus petites. Un format réduit accélère le refroidissement et favorise la surfusion, réduisant ainsi le risque d’augmentation de pression lors de la congélation.
- Éviter les bouteilles en verre non traitées. Sauf si elles sont spécialement conçues pour supporter des chocs thermiques, elles sont plus susceptibles de se briser en raison de leur rigidité et de leur interaction avec l’eau.
Au-delà de ces conseils pratiques, ces recherches permettent aussi de mieux comprendre les effets du gel sur les structures naturelles et artificielles. Routes fissurées, canalisations éclatées en hiver, voire détérioration d’œuvres d’art exposées au froid : ces découvertes ont des implications bien au-delà du simple congélateur domestique.
Source de l’article : http://dx.doi.org/10.1038/s41598-025-86117-5