Des pneus usés transformés en résines industrielles en 6 heures avec cette découverte américaine.
Aux États-Unis, des chercheurs viennent de percer un mystère que l’industrie n’arrivait pas à résoudre depuis des décennies : comment recycler du caoutchouc vulcanisé des pneus sans le détruire ni polluer ? Grâce à une nouvelle méthode, ces scientifiques sont parvenus à transformer des pneus en matériaux précieux pour fabriquer des colles, des composites ou des revêtements. Le tout en seulement six heures !
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Le cauchemar des polymères croisés des pneus enfin résolu par des chercheurs américains
Le caoutchouc utilisé dans les pneus n’est pas un simple plastique mou. Il s’agit d’un matériau à base de polybutadiène ou de polyisoprène, renforcé par des ponts de soufre, un réseau tridimensionnel qui lui donne son élasticité légendaire. Un problème majeur cependant : cette structure croisée est quasiment impossible à dissoudre ou à modifier. Les procédés existants, comme la dévulcanisation ou la coupure de la chaîne polymère, produisent des sous-produits sans grande utilité, souvent instables ou difficilement réutilisables. Et pour ne rien arranger, ces méthodes nécessitent des températures extrêmes ou des catalyseurs coûteux.
Une approche douce mais redoutablement efficace
La méthode américaine repose sur deux étapes chimiques bien précises. La première est une amination C–H, qui ajoute des groupements amines à des endroits stratégiques de la molécule. La seconde est une réorganisation de l’épine dorsale du polymère. Ce duo, mené à températures modérées (entre 35 et 50 °C), suffit à désassembler les liaisons C–C du caoutchouc, autrement dit : à le faire fondre chimiquement. Le pneu devient ainsi une matière fluide, transformable, et surtout chargée de fonctions amines, ce qui la rend parfaitement compatible avec la synthèse de résines époxy.
Six heures pour faire fondre un pneu
Durant leurs essais, les chercheurs ont traité du caoutchouc usagé directement issu de pneus. Avec un temps de réaction de seulement six heures, ce qui était hier un déchet noir et lourd se transforment désormais en matériaux performants, avec des propriétés mécaniques comparables aux résines commerciales.
Nul besoin de forcer la réaction ! Le procédé fonctionne sans haute pression, ni micro-ondes, ni atmosphère inerte. Juste un réactif à base de soufre, un solvant bien choisi, et quelques heures de patience. C’est à la fois sobre, rapide et reproductible (donc applicable à grande échelle).
Époxy, véritable trésor caché des pneus usagés
Ces nouvelles résines peuvent servir à fabriquer :
- des adhésifs haute performance
- des revêtements industriels résistants
- des composites structuraux pour l’aéronautique ou l’automobile
On parle donc de valeur ajoutée, et non d’un simple recyclage au rabais.
Un autre effet de bord : moins de fumées toxiques
Autre avantage, et pas des moindres : le procédé est bien plus propre que les techniques traditionnelles comme la pyrolyse. Pas de dioxines, pas de benzène, pas de résidus calcinés à gérer. Son impact écologique total reste mesuré, une fois les solvants optimisés.
L’équipe cherche d’ailleurs à aller plus loin en explorant des solvants verts et biodégradables, afin de réduire encore l’empreinte environnementale du procédé.
Un marché colossal qui engendre un véritable casse-tête écologique
Le marché mondial des pneus automobiles devrait atteindre 237,4 milliards d’euros en 2025, avec une croissance annuelle de 5,9%. Les États-Unis, la Chine et l’Inde sont des acteurs majeurs, avec des taux de croissance respectifs de 5,4%, 6,8% et 6,9% prévus entre 2025 et 2035. En Europe, le Royaume-Uni se démarque avec une croissance attendue de 7,2%. Au niveau entreprises, le français Michelin domine le marché avec une part de 15,1%, suivi de près par Bridgestone à 14,2%. D’autres acteurs importants incluent Goodyear, Continental et Pirelli. La production mondiale de pneus s’élève à environ 3 milliards d’unités par an.
Chaque année, environ 1 milliard de pneus en fin de vie sont mis au rebut dans le monde. Ce volume considérable représente un défi environnemental majeur, car les pneus peuvent prendre jusqu’à 2000 ans pour se décomposer complètement. On estime qu’environ 4 milliards de pneus usagés sont actuellement stockés dans des décharges à travers le monde, dont la moitié aux États-Unis.
En transformant ce flux de déchets en matière première pour des produits industriels de haute qualité, cette recherche pourrait faire coup double : rendre plus verte une industrie très polluante et créer de nouveaux débouchés économiques, pourquoi pas pour la France dont le champion Michelin reste leader mondial du secteur malgré des temps difficiles.
Source :
Towell, S.E., Ratushnyy, M., Cooke, L.S. et al. Deconstruction of rubber via C–H amination and aza-Cope rearrangement. Nature (2025).
https://doi.org/10.1038/s41586-025-08716-6