Grangemouth ferme sa raffinerie centenaire et laisse 400 employés sur le carreau.
400 emplois supprimés, une raffinerie à l’arrêt, et un avenir incertain pour une ville entière : la fermeture du site de Grangemouth en Écosse met en lumière les angles morts de la transition énergétique. Ce qui devait être une reconversion s’est transformé en démantèlement. Retour sur un basculement qui pose bien plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
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Une institution industrielle qui s’effondre
À 40 kilomètres à l’ouest d’Édimbourg, au bord de l’estuaire du Forth, Grangemouth abritait la dernière raffinerie d’Écosse, un monstre d’acier et de vapeurs bâti il y a plus d’un siècle. Le 29 avril 2025, la coentreprise Petroineos (liant Ineos et le chinois PetroChina) y a mis fin aux activités de raffinage.
500 000 dollars de pertes quotidiennes, soit environ 444 000 euros par jour, ont scellé le sort de l’installation. En cause : la baisse de la demande en carburants, due notamment à l’essor des véhicules électriques et à des coûts d’entretien devenus intenables.
Résultat : 400 emplois supprimés. Seuls 65 salariés seront retenus pour assurer le fonctionnement du futur terminal d’importation de carburants, version allégée du site historique.
La filière pétrolière britannique : de l’apogée au déclin
Au sommet de son activité à la fin des années 1990, la filière pétrolière britannique employait environ 120 000 personnes, avec une production de 2,82 millions de barils par jour et plus de 30 plates-formes en exploitation. Aujourd’hui, le secteur ne compte plus qu’environ 30 000 à 40 000 salariés directs, tandis que la production a chuté à 715 000 barils par jour et le nombre de plates-formes est passé sous la barre des 10. Cette contraction de l’emploi, supérieure à 65 %, reflète l’épuisement des gisements de la mer du Nord et la transition vers d’autres sources d’énergie. Le Royaume-Uni, autrefois autosuffisant, doit désormais importer près de la moitié de ses besoins pétroliers. La filière, jadis moteur industriel et pourvoyeur d’emplois, s’inscrit désormais dans une logique de déclin structurel et de diversification énergétique…. Qui malheureusement laisse de nombreuses villes comme Grangemouth sur le bas côté de la route.
Des promesses de reconversion… sans suite concrète
Dès l’annonce de la fermeture en 2023, Chris Hamilton, ouvrier syndiqué, a tenté de sauver le site sous la bannière “Keep Grangemouth Working”. Le plan : transformer la raffinerie en pôle de production de carburants durables pour l’aviation, ou en site de recyclage chimique des plastiques.
Mais la réponse de Petroineos fut claire : le cadre réglementaire, fiscal et politique n’était pas favorable à une telle transition. Une étude de faisabilité conjointe avec le gouvernement britannique a bien été publiée début 2025, mais le coût des solutions envisagées, plusieurs milliards de livres, a étouffé tout espoir de concrétisation.
Le gouvernement s’est pourtant engagé à injecter 200 millions de livres, soit environ 241 millions d’euros, en plus des 100 millions promis précédemment. Mais aucun partenaire privé ne s’est présenté, signe d’un manque de confiance dans la viabilité économique du projet.
Une transition qui oublie l’humain
La Commission écossaise pour une transition juste (JTC) parle de “défaut de responsabilité” partagé entre Petroineos et les autorités publiques. Pour Brian Leisham, député de Grangemouth, il ne s’agit pas seulement de chiffres : “Les salariés ne peuvent pas attendre dix ans une reconversion hypothétique.”
Andrew Petersen, technicien de la raffinerie, confie avoir eu “l’impression de creuser [sa] propre tombe” lors des fermetures d’unités. Ce sentiment d’abandon est partagé par de nombreux anciens employés, dont la majorité n’a pas encore retrouvé d’emploi stable.
Une “boomtown” en perdition
Grangemouth était autrefois un symbole de réussite industrielle. On y grandissait en sachant que la raffinerie offrait un travail stable, à vie. Ce temps-là semble révolu.
La ville connaît désormais un déclin démographique, et son centre-ville se vide. Magasins fermés, vitrines à l’abandon, et une économie locale qui s’effondre à mesure que disparaît sa population active.
Robert Anderson, boucher, remarque que les employés de la raffinerie, reconnaissables à leurs gilets fluorescents, ont disparu des rues. Hannah Barclay, 19 ans, travaille auprès des sans-abri : “Beaucoup de mes amis étaient à Petroineos. L’université, pour nous, ce n’est même pas envisageable.”
Une question nationale : que faire des sites en fin de vie ?
La fermeture de Grangemouth est loin d’être un cas isolé. Le Royaume-Uni vise la neutralité carbone d’ici 2050, ce qui implique des transformations profondes dans l’industrie lourde.
Le mois dernier, le gouvernement travailliste de Keir Starmer a repris le contrôle de British Steel, dernier producteur d’acier primaire au Royaume-Uni, pour éviter une fermeture similaire. Brian Leisham demande le même engagement pour Grangemouth.
Le site faisait encore partie des six dernières raffineries du pays. Sa fermeture est un signal : sans stratégie de transition juste, les régions industrielles sont promises au déclassement.
Le vrai coût de la transition
Le cas de Grangemouth montre que la transition énergétique ne peut pas être uniquement technologique ou environnementale. Elle doit être sociale et territoriale. Sans accompagnement des salariés, sans formation, sans réindustrialisation alternative, les promesses de “croissance verte” se transforment en désert économique.
La réussite énergétique ne peut être décorrélée de la justice sociale. Et les habitants de Grangemouth, eux, n’ont pas le luxe d’attendre 2040.
Source : https://pgjonline.com/news/2025/april/scotlands-grangemouth-oil-refinery-ends-crude-processing-begins-layoffs
Image : Raffinerie de Grangemouth en 2016 par Darren Tennant (Flickr)
Interressant… On veut réduire les importations d’hydrocarbures, mais on voudrait en même temps garder les installations qui les traitent ouvertes…
Il serait temps que les gens se payent un cerveau, particulièrement les politiciens qui sont soi-disant là pour organiser les pays et préparer l’avenir… Encore raté.
C’EST UN TRES BON ARTICLE AVEC DES DONNÉES CHIFFRÉES…C’EST LE TOP NIVEAU…
PAR CONTRE, ON NE COMPREND PAS POURQUOI LES DECISIONS POLITIQUES DES ECOLOGISTES PRENNENT LE PAS SUR LA MAJORITÉ DES VOTANTS QUI NE VOTENT PAS ” LES ECOLOGISTES”…C’EST UN GRAND MYSTÈRE…LES GENS NE SONT PAS CONSULTÉS DÉMOCRATIQUEMENT ET CELA CONCERNE DES DIZAINES DE MILLIERS D EMPLOIS…
C’EST VRAIMENT UN MYSTÈRE…