Le Japon cache sous terre un temple anti-inondations capable de contenir 268 piscines olympiques.
À première vue, on dirait le décor des mines de la Moria dans “le Seigneur des anneaux”. Des colonnes géantes, un silence souterrain et une lumière diffuse. Mais derrière ce décor impressionnant, point de Balrog mais plutôt le dernier rempart japonais contre contre les inondations. Bienvenue dans le plus grand réservoir souterrain du monde, creusé à 50 mètres sous la ville de Kasukabe !
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Le japon possède le record du plus grande réservoir souterrain du monde avec une capacité de 670 000 m³
Le Metropolitan Area Outer Underground Discharge Channel, c’est son nom officiel, s’étend sur 6 kilomètres sous la préfecture de Saitama, à 40 kilomètres au nord de Tokyo. Entamé en 1993 et achevé en 2006, ce chantier titanesque a coûté plus d’un milliard d’euros. Il a été conçu pour faire face à un problème vieux comme le monde : l’eau qui déborde.
Cette immense structure, parfois surnommée « le sanctuaire souterrain » à cause de son apparence monumentale, abrite :
- 5 puits verticaux, dont chacun pourrait contenir la statue de la Liberté.
- Un réservoir de régulation de pression, soutenu par 59 colonnes en béton de 18 mètres de haut.
- Une galerie principale de 10 mètres de large, taillée pour accueillir le débit de plusieurs rivières en crue.
Capacité totale : 670 000 mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de 268 piscines olympiques !
Une réponse directe à un risque croissant d’inondation pour Tokyo
Tokyo, comme beaucoup de mégapoles, est bâtie en plaine. Résultat : quand il pleut fort, l’eau déborde. Et il pleut souvent : plus de 1 600 millimètres par an, répartis sur plus de 100 jours. Ajoutez à cela l’urbanisation massive d’après-guerre, qui a recouvert les sols absorbants de bitume et de béton, et vous obtenez une ville vulnérable aux inondations.
D’après les chiffres officiels, 4,15 millions de Tokyoïtes, soit près d’un tiers de la population, vivent dans des zones considérées comme à risque d’inondation.
Un seul typhon mal placé et des dizaines de quartiers pourraient être engloutis.
Le système de Kasukabe agit comme une soupape : il capte les trop-pleins des petites rivières environnantes et les redirige vers le fleuve Edo, loin des zones urbaines densément peuplées.
Un monstre hydraulique en alerte permanente
Le système est activé en moyenne sept fois par an, principalement lors de typhons ou d’épisodes de pluies torrentielles. Son fonctionnement est impressionnant : l’eau tombe dans les puits verticaux, puis est conduite dans le tunnel principal, avant d’être stockée dans le réservoir géant. Enfin, d’immenses pompes évacuent jusqu’à 200 tonnes d’eau par seconde vers le fleuve.
Selon le ministère japonais du territoire et des transports, plus d’un milliard d’euros de dégâts ont été évités depuis sa mise en service.
La structure n’a jamais atteint sa capacité maximale, mais elle reste en veille, prête à affronter le prochain déluge.
Seule limite : elle ne couvre pas l’intégralité de Tokyo. Trois arrondissements seulement sont directement protégés, ainsi que quelques communes voisines dans le nord du Grand Tokyo.
Une star sur Instagram
Avec ses voûtes hautes comme des immeubles, ses colonnes cyclopéennes et ses éclairages diffus, le sanctuaire de Kasukabe attire les photographes comme des mouches. Ce site, initialement invisible au public, est devenu une destination touristique à part entière.
Les visites sont payantes, limitées en horaires, et il faut réserver plusieurs semaines à l’avance. Mais l’expérience vaut le détour : descendre à 50 mètres de profondeur, sentir l’humidité du béton brut, et découvrir l’échelle inhumaine d’une architecture conçue pour dompter les éléments.
On le compare parfois à la citerne basilique d’Istanbul, mais ici, tout est moderne, brut et fonctionnel. On y croise des visiteurs en bottes de chantier, mais aussi des influenceurs à la recherche du cliché parfait.
L’eau, enjeu du siècle pour le Japon
Pour Nobuyuki Tsuchiya, directeur adjoint du Japan Riverfront Research Centre, les catastrophes liées à l’eau ne sont pas une fatalité. Elles sont, selon lui, la conséquence d’une mauvaise planification. D’après lui :
« Gérer l’eau, ce n’est pas juste réagir. C’est anticiper pour que dans 100 ans, nos villes soient encore vivables. »
Le système de Kasukabe n’est pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une stratégie nationale plus vaste, qui comprend :
- Des digues renforcées,
- Des réservoirs en surface,
- Des berges reconfigurées,
- Et des plans d’urbanisme repensés à l’ère du changement climatique.
Le Japon, pays régulièrement frappé par des typhons, ne fait pas que réparer : il construit pour résister à l’avenir.
Chiffres clés du réservoir de Kasukabe
Élément | Valeur |
Profondeur | 50 mètres |
Longueur du réseau | 6 kilomètres |
Nombre de colonnes de soutien | 59 |
Hauteur des colonnes | 18 mètres |
Capacité de stockage | 670 000 m³ (268 piscines olympiques) |
Débit d’évacuation | 200 tonnes par seconde |
Coût de construction | 1 milliard d’euros |
Durée des travaux | 13 ans (1993–2006) |
Nombre d’activations annuelles | Environ 7 |
Avec ses dimensions titanesques et son silence minéral, le sanctuaire de Kasukabe est une réponse presque poétique à un problème fondamental : faire face à une nature de plus en plus imprévisible, sans chercher à la dominer, mais en canalisant son énergie.
Sources :
- https://www.asahi.com/ajw/articles/15446751
- https://www.japan.travel/fr/spot/1524/
Image : Metropolitan Area Outer Underground Discharge Channel