Une étude récente présentée lors du congrès SLEEP 2025 révèle un lien étonnant entre certaines habitudes de sieste et le risque de mortalité chez les adultes d’âge moyen et les seniors. Le travail repose sur des données objectives recueillies auprès de plus de 86 000 participants, suivis pendant une période pouvant aller jusqu’à 11 ans.
Les chercheurs se sont intéressés à la durée moyenne des siestes, à leur variabilité d’un jour à l’autre, ainsi qu’à leur répartition dans la journée.
Une majorité de siestes concentrées en fin de journée
La durée médiane des siestes observées était de 0,40 heure par jour, soit environ 24 minutes.
Mais plus que leur durée, c’est le moment choisi pour dormir qui intrigue. Seuls 10 % des participants s’assoupissaient entre 11 h et 13 h, ce qui est généralement considéré comme la période la plus favorable pour une courte récupération.
En revanche, 22 % des siestes étaient prises entre 17 h et 19 h, une plage horaire peu recommandée par les spécialistes du sommeil. D’autres pics ont été observés entre 15 h et 17 h (19 %) et 9 h à 11 h (34 %).
Des siestes longues ou irrégulières liées à un risque accru
L’équipe de chercheurs, dirigée par Chenlu Gao du Massachusetts General Hospital, a constaté que les siestes plus longues, irrégulières et prises en milieu ou début d’après-midi étaient associées à une augmentation du risque de mortalité, toutes causes confondues.
Autrement dit, plus une personne dort longtemps au cours de la journée, et plus son rythme de sieste est désorganisé, plus elle a de chances de décéder dans les années suivantes.
Et ce constat reste valable même après ajustement sur d’autres facteurs tels que l’âge, l’indice de masse corporelle, la qualité du sommeil nocturne, le tabagisme, l’alcool ou encore les comorbidités.
Actigraphie : un outil précis mais imparfait
Pour suivre ces comportements, les chercheurs ont utilisé une technique appelée actigraphie, qui consiste à porter un capteur mesurant les mouvements. C’est une méthode utile pour repérer les phases d’inactivité, mais elle ne permet pas de distinguer le sommeil réel de la simple somnolence ou de la détente éveillée.
Autre limite soulevée : le fait d’avoir considéré comme sieste toute période de sommeil entre 9 h et 19 h. Cela peut inclure chez certains participants des périodes de sommeil prolongé liées à un dérèglement du rythme veille-sommeil ou à une dette de sommeil chronique.
Le paradoxe des siestes « classiques »
Ce qui interpelle dans les résultats, c’est que les siestes prises en début ou milieu d’après-midi, censées être les plus réparatrices, semblent ici corrélées à une mortalité plus élevée. Ce point va à l’encontre des recommandations de la American Academy of Sleep Medicine, qui préconise des siestes courtes (20 à 30 minutes) dans cette même plage horaire.
Les chercheurs suggèrent que ce paradoxe pourrait s’expliquer par des facteurs sous-jacents non mesurés : fatigue excessive liée à une maladie, troubles du sommeil nocturne non diagnostiqués, ou encore baisse d’activité physique.
Une piste pour la prévention et la santé publique
Malgré les limites méthodologiques, ces résultats montrent l’intérêt de surveiller les comportements de sommeil diurne comme indicateur de santé générale.
Intégrer l’analyse des siestes à grande échelle dans les pratiques médicales pourrait aider à identifier des profils à risque, parfois bien avant que n’apparaissent les symptômes d’une pathologie chronique.
Cela ouvre aussi des perspectives pour des interventions ciblées : conseils personnalisés sur l’hygiène du sommeil, programmes de régulation circadienne ou accompagnement comportemental.
5 189 décès sur 86 565 participants
Sur les 86 565 adultes suivis, âgés en moyenne de 63 ans, 5 189 sont décédés au cours de la période d’étude.
Ce chiffre représente 6 % de la population étudiée. Si l’on compare les comportements de sieste entre les survivants et les personnes décédées, les écarts sont significatifs.
Les siestes longues, variables et prises entre 11 h et 15 h sont nettement surreprésentées chez ceux ayant connu un décès. Ce marqueur comportemental pourrait donc compléter les outils actuels d’évaluation du risque, tout particulièrement chez les populations âgées.
Le sommeil, un indicateur sous-exploité
La recherche sur le sommeil, notamment diurne, reste encore largement sous-exploitée dans les démarches de prévention médicale.
Ce travail présenté à SLEEP 2025 démontre qu’en affinant l’analyse des rythmes de vie avec des outils comme l’actigraphie, il est possible de détecter des signaux faibles qui, mis en perspective avec d’autres données cliniques, peuvent devenir des indices précieux de dégradation de l’état de santé général.
Une sieste, ce n’est donc pas juste une pause. C’est un message. Et ce message, il est parfois bien plus clair que certains bilans sanguins.
Source de l’article : https://doi.org/10.1093/sleep/zsaf090.0350