Le Stratolaunch pousse Talon-A2 dans les airs à plus de 6 000 km/h.
En l’espace de trois mois, les États-Unis ont testé deux fois un appareil hypersonique autonome capable non seulement de voler à Mach 5, mais aussi de revenir sur piste comme un avion de ligne. Le fait est déjà en soit un exploit d’ingénierie mais là où ça devient intéressant c’est que cet avion-fusée du nom de Talon-A2 a été lancé dans les airs par le plus grand avion du monde (en envergure) : le Stratolaunch Roc !
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Le plus grand avion du monde comme base aérienne pour l’avion-fusée Talon-A2
Long de 73 mètres, le Stratolaunch Roc est déjà un beau morceau mais là où impressionne le plus c’est surtout par son envergure gigantesque de 117 mètres, soit presque la longueur d’un terrain de football. Record mondial !
Il est doté de six réacteurs et de deux fuselages reliés par une aile centrale, une configuration qui rappelle certains prototypes des années 1950.
Une fusée avec des ailes (et sans pilote)
Le Talon-A2, lui, est un avion-fusée sans pilote, entièrement autonome, capable d’atteindre Mach 5, soit 6 200 km/h, grâce à un moteur-fusée Hadley développé par Ursa Major. Il utilise du kérosène et de l’oxygène liquide, un mélange classique dans le spatial, mais redoutable quand on l’injecte dans un moteur de 5 000 livres de poussée.
Avec 13 mètres de long pour une masse d’environ 2,5 tonnes, le Talon-A2 est conçu pour revenir se poser sur une piste, en mode totalement automatique. C’est ce qui le distingue des missiles hypersoniques classiques : il est réutilisable.
Son atterrissage a eu lieu sur la base de Vandenberg, en Californie, comme n’importe quel avion… sauf qu’il revient d’un vol à cinq fois la vitesse du son.
Deux vols en trois mois : le retour du supersonique américain
Les deux tests réussis, réalisés en décembre 2024 et mars 2025, marquent un tournant. Pour la première fois depuis la fin du programme X-15 de la NASA en 1968, les États-Unis disposent d’un avion hypersonique réutilisable en vol atmosphérique.
Ces tests s’inscrivent dans un programme militaire baptisé MACH-TB (Multi-Service Advanced Capability Hypersonic Testbed), financé par le Pentagone. Objectif : accélérer les essais de futurs armements hypersoniques grâce à des plateformes économiques et modulables.
Le Talon-A2 peut emporter jusqu’à 450 kg de charge utile, ce qui permet de simuler divers scénarios : capteurs de trajectoire, charges d’essai, prototypes de têtes militaires.
Pourquoi voler à Mach 5 ? Et pourquoi maintenant ?
Les vitesses hypersoniques ouvrent un champ d’applications que le subsonique ne peut pas toucher.
- Réduire le temps de réponse militaire. À Mach 5, on traverse l’Atlantique en 35 minutes.
- Contourner les radars. À ces vitesses, les systèmes de défense ont peu de temps pour réagir.
- Tester les matériaux. Résister à 2 000 °C pendant plusieurs minutes, ce n’est pas un défi trivial.
La Chine, la Russie, et les États-Unis se livrent aujourd’hui une course technologique pour maîtriser ces véhicules. Et les Américains veulent compenser leur retard dans les missiles hypersoniques offensifs. Avec des avions comme le Talon-A2, ils peuvent tester en conditions réelles, sans dépenser des milliards ni attendre des années.
Un virage stratégique après la mort du fondateur
Stratolaunch, à l’origine, voulait lancer des satellites depuis un avion, un peu comme le faisait Virgin Orbit avec son Cosmic Girl. Mais après la mort du cofondateur Paul Allen en 2018, le projet a été racheté par Cerberus Capital Management.
Fini les rêves d’orbite commerciale. Place à un pivot vers le marché militaire hypersonique, plus lucratif, plus urgent, et plus stratégique.
Depuis, Stratolaunch a acquis le Boeing 747 de Virgin Orbit, rebaptisé Cosmic Girl, qui pourrait lui aussi servir de plateforme de lancement pour une deuxième génération de Talon : le Talon-A3. Celui-ci est prévu pour fin 2025.
Une technologie, plusieurs révolutions
Le Talon-A2 n’est pas un simple missile d’essai. C’est un laboratoire volant.
Les données recueillies sur les vibrations, les flux thermiques, la commande de vol et les matériaux à très haute température sont réutilisables pour tout un pan de l’industrie aérospatiale.
Et dans quelques années, ces plateformes pourraient aussi tester des avions de transport ultra-rapides ou des systèmes de surveillance planétaire.
Si le programme continue sur sa lancée, les prochains mois devraient voir l’arrivée du Talon-A3, encore plus performant, encore plus endurant. Et si tout se passe comme prévu, les États-Unis pourraient reprendre l’avantage dans la bataille mondiale du Mach 5+, sans avoir besoin de tirer un seul missile.