La France peut s’inquiéter du brusque regain d’intérêt de son plus grand rival historique pour son “pré carré” : le nucléaire

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Londres et Washington veulent redonner de l’élan à l’atome.

Londres et Washington ont décidé de travailler main dans la main pour relancer une industrie que beaucoup croyaient condamnée à la lenteur dans les pays anglo-saxons : le nucléaire.

La France doit-elle s’inquiéter d’un possible retour en force de son voisin d’outre-Manche ?

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Les Etats-Unis et le Royaume-Uni veulent accélérer les délais administratifs pour relancer les chantiers du nucléaire

Le Royaume-Uni, un pays pionnier longtemps en sommeil

On l’oublie souvent, mais le Royaume-Uni fut l’un des premiers pays au monde à embrasser l’énergie nucléaire civile. Dès 1956, la centrale de Calder Hall, dans le nord-ouest de l’Angleterre, devient la toute première centrale nucléaire commerciale au monde à produire de l’électricité pour le réseau. Une fierté nationale, un symbole de modernité, et un héritage industriel unique.

Pendant plusieurs décennies, le pays construit à bon rythme ses propres réacteurs, principalement des graphite-gaz puis des réacteurs AGR (Advanced Gas-cooled Reactor), à la technologie spécifique. Mais à partir des années 1990, l’élan se fige. Faute d’investissements, face à l’opinion publique et à l’émergence des énergies renouvelables, le programme nucléaire britannique ralentit fortement.

Aujourd’hui, une grande partie de ses réacteurs approchent de la fin de vie. Avec eux, le spectre du déclassement sans relève. D’où cette volonté politique, réaffirmée avec force ces dernières années, de rebâtir une filière nationale, de s’ouvrir aux technologies étrangères, françaises comme américaines, et surtout, d’aller plus vite que le temps administratif.

Le futur du nucléaire mondial s’inscrit en France avec ce nouveau combustible destiné à alimenter les nouvelles générations de réacteurs

2 pays trop lents à valider les autorisations

Aujourd’hui, que ce soit dans le pays de l’Oncle Sam ou pour la Perfide Albion, pour construire un réacteur nucléaire, il faut souvent 3 à 4 ans rien que pour décrocher une simple autorisation (et encore, quand tout se passe bien). Certaines entreprises en ont fait les frais comme le franco-italien newcleo qui a fini par jeter l’éponge.
L’objectif affiché de ce nouveau partenariat ? Ramener ce délai à deux ans. Moitié moins de paperasse, de revues croisées et de revalidations.

Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy est donc une alliance transatlantique pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs, petits ou grands, fission ou fusion.
Cette initiative doit être signée cette semaine, lors de la visite officielle de Donald Trump au Royaume-Uni, comme un virage assumé dans la politique énergétique des deux pays.

Fission, fusion… et tambours pour Hartlepool

Derrière les mots, il y a des chantiers concrets. À Hartlepool, sur la côte est anglaise, jusqu’à 12 petits réacteurs modulaires avancés pourraient bientôt voir le jour.
Aux manettes : X-Energy, spécialiste américain des SMR, et Centrica, l’un des piliers de l’énergie britannique.

Autre projet d’envergure : EDF, Holtec et Tritax planchent sur un parc de data centers nucléaires dans le Nottinghamshire avec des serveurs, hébergeant des milliards de données numériques, alimentés par des petits réacteurs.
Ces infrastructures ne peuvent pas se permettre une panne ou une coupure liée au vent ou à l’ensoleillement. Il leur faut une électricité stable, continue, prévisible. Le nucléaire a tout ça.

Fin du combustible russe : cap sur 2028

Depuis l’invasion de l’Ukraine, une évidence s’est imposée : la dépendance énergétique peut devenir une faiblesse stratégique.
L’accord prévoit donc une clause claire : sortir complètement du combustible nucléaire russe d’ici fin 2028. Une échéance courte, mais assumée.

C’est un signal fort envoyé à Moscou. Une manière de dire que l’atome occidental se réorganise, non seulement pour le climat, mais aussi pour la souveraineté.

35 milliards pour relancer l’industrie britannique

Le Royaume-Uni ne mise pas que sur les partenariats. Il met aussi de l’argent sur la table. En juin dernier, le gouvernement de Keir Starmer a annoncé plus de 35 milliards d’euros pour relancer l’industrie nucléaire dans le pays.

Ce plan comprend :

  • La future centrale Sizewell C en projet depuis des années,
  • Le soutien aux réacteurs modulaires (SMR) développés localement,
  • Et un financement accru de la recherche sur la fusion.

Il y a une volonté claire de raccourcir les délais, simplifier les procédures et accompagner l’innovation. Longtemps freinée par les coûts, les peurs ou la bureaucratie, la filière semble avoir retrouvé un cap politique clair.

Au bord du gouffre il y a 5 ans, ce groupe français s’est spécialisé pour survivre et il tient sa revanche avec un nouveau contrat estimé à 852 millions d’euros au Brésil

Le nucléaire mondial, plus que jamais un marché à plusieurs centres de gravité

Longtemps dominé par quelques pays, le marché du nucléaire civil est aujourd’hui éclaté, concurrentiel, et géopolitiquement sensible.
Il n’existe plus un seul centre de gravité, mais plusieurs pôles qui s’observent, s’équipent et s’exportent. En 2025, près de 90 milliards d’euros sont investis chaque année dans la construction, la maintenance et le cycle du combustible. Et cette enveloppe pourrait dépasser 150 milliards à l’horizon 2040, avec l’essor des petits réacteurs modulaires, la prolongation de vie des centrales existantes, et la montée en puissance de la fusion.

Derrière ces chiffres se cache une compétition de modèles et de normes.

  • La Chine, avec ses Hualong One et Linglong One, pousse agressivement ses réacteurs à l’export, avec le soutien direct de l’État.
  • Les États-Unis, eux, misent sur l’innovation privée : Oklo, X-Energy, NuScale, Holtec… autant de startups nucléaires soutenues par des capitaux industriels et technologiques.
  • La Russie, malgré les sanctions, reste très active avec Rosatom, surtout en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie centrale.
  • La France, via EDF, continue de jouer un rôle majeur en Europe (notamment avec ses EPR), mais voit ses marges de manœuvre se réduire face aux concurrents américains et chinois plus agiles.

Parts de marché estimées des projets nucléaires civils en construction ou exportés (2025) :

Pays ou acteur Part de marché estimée Principaux atouts
Chine (CNNC, CGN) 33 % Réacteurs standardisés, production rapide, coûts bas
Russie (Rosatom) 20 % Présence à l’export, financement clé en main
États-Unis (SMR privés) 18 % Innovation technologique, modularité, réseau industriel
France (EDF, Framatome) 12 % Expertise historique, EPR2, projet NUWARD
Corée du Sud (KHNP) 7 % Réputation fiable (ex : Barakah aux Émirats)
Autres (Japon, Inde, UK…) 10 % Initiatives locales ou relances ciblées

La France, longtemps spécialiste et en position de domination (avec les Etats-Unis) sur le secteur nucléaire, a donc toutes les raisons de craindre la multiplication des acteurs sur ce marché. Le retour du Royaume-Uni dans le jeu, pourrait bien à termes lui faire perdre des parts de marché dans son “pré carré” que constitue encore l’Europe (déjà sérieusement mis à mal par des concurrents comme la Corée du Sud en République tchèque dernièrement).

Source : https://www.bbc.com/news/articles/ckgzevzwxwro

Image : Rendu 3D en vue aérienne des EPR de Sizewell C (devant Sizewell B)

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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