Une percée majeure dans la climatisation durable vient d’être réalisée à Honk-Kong.
Des chercheurs de l’Université des Sciences et Technologies de Hong Kong (HKUST) ont mis au point le premier climatiseur à effet élastocalorique de puissance kilowatt. Ce dispositif innovant permet d’abaisser la température intérieure à 21-22°C en seulement 15 minutes, même lorsque la température extérieure atteint 30-31°C.
Cette technologie pourrait révolutionner la climatisation en réduisant drastiquement la consommation d’électricité et en éliminant l’usage de réfrigérants à fort impact environnemental. Actuellement, la climatisation représente environ 10 % de la consommation mondiale d’électricité, rendant cette innovation particulièrement prometteuse.
Lire aussi :
- L’Espagne va faire main basse sur une nouvelle source d’énergie à laquelle personne n’avait jamais pensé
- Pour une fois les Américains trouvent une solution ingénieuse économiquement ET écologiquement au problème posé par le méthane
Hong-Kong propose une alternative “verte” aux systèmes de compression classiques pour les climatiseurs
Les climatiseurs conventionnels fonctionnent grâce à la compression de vapeur, une technologie énergivore qui rejette des gaz à effet de serre puissants. Face à cette problématique, la recherche s’est tournée vers des solutions à état solide, exploitant l’effet élastocalorique des alliages à mémoire de forme (AMF).
Ce principe repose sur la capacité de certains matériaux à absorber et restituer de la chaleur lorsqu’ils sont compressés et relâchés. Jusqu’à présent, les dispositifs élastocaloriques atteignaient une puissance de refroidissement limitée à 260 watts, insuffisante pour une utilisation commerciale.
Les défis du refroidissement à grande échelle
Pour atteindre des performances de niveau kilowatt, les chercheurs de la HKUST ont dû surmonter deux obstacles majeurs :
- Équilibrer la puissance spécifique de refroidissement (en anglais specific cooling power ou SCP) avec la masse active. Augmenter simplement la masse de l’alliage nickel-titane réduisait l’efficacité du système.
- Optimiser le transfert thermique à haute fréquence. L’augmentation du débit de chaleur posait un problème de dissipation rapide, limitant la vitesse de refroidissement.
Une architecture innovante et des nanofluides conducteurs
Pour contourner ces limitations, les chercheurs ont développé une architecture “AMF en série – fluide en parallèle”, où 10 unités de refroidissement sont connectées en série dans la direction de l’application de force. L’utilisation de tubes en nickel-titane à paroi mince, avec un ratio surface/volume élevé, améliore l’échange thermique.
Le fluide de refroidissement a également été optimisé : à la place de l’eau distillée, les chercheurs ont utilisé un nanofluide à base de graphène, améliorant la conductivité thermique de 50 % avec une concentration de seulement 2 g/L.
Pour garantir un fonctionnement stable, la pression du système a été maintenue sous 1,5 bar, et une fréquence de 3,5 Hz a été adoptée pour assurer un refroidissement rapide et efficace.
Une puissance de refroidissement record
Lors de tests menés dans une maison prototype de 2,7 m³, le dispositif a atteint une puissance de refroidissement de 1 284 watts, avec un SCP de 12,3 W/g, soit près de trois fois plus que tout autre dispositif élastocalorique liquide existant.
En 15 minutes, la température intérieure s’est stabilisée à 21-22°C, malgré une température extérieure de 30-31°C. C’est la première fois qu’un système élastocalorique atteint une puissance de refroidissement suffisante pour des applications à grande échelle.
Vers une adoption industrielle ?
« Ce succès démontre que la technologie élastocalorique peut être déployée à grande échelle », déclare le professeur Sun Qingping, co-auteur de l’étude. « Nous collaborons avec l’industrie pour accélérer sa commercialisation. »
Avec le resserrement des régulations sur les hydrofluorocarbones (HFCs), ce climatiseur sans émission pourrait bouleverser le secteur en offrant une solution efficace, durable et compacte.
Le professeur Yao Shuhuai ajoute que des améliorations sont déjà à l’étude. En optimisant les matériaux élastocaloriques et en améliorant l’architecture rotative du système, les futures versions pourraient réduire encore davantage le temps de refroidissement et augmenter la puissance de refroidissement.
Quelques chiffres sur les climatiseurs
- En 2021, la demande d’électricité liée à la climatisation a atteint 2 000 térawattheures (TWh), soit 8% à 10% de l’électricité consommée dans le monde.
- La consommation d’électricité liée à la climatisation pourrait grimper entre 3 400 et 5 200 TWh d’ici 2050.
- On compte actuellement environ 2 milliards de climatiseurs en service dans le monde et devrait passer à environ 4,5 milliards en 2050
- La Chine et les États-Unis regroupent à eux deux plus de la moitié du stock mondial de climatiseurs.
Source :
Achieving kilowatt-scale elastocaloric cooling by a multi-cell architecture.
Zhou, G., Zhang, L., Li, Z. et al. Nature 639, 87–92 (2025).
https://doi.org/10.1038/s41586-024-08549-9