Une étude internationale menée sur cinq continents révèle une différence significative entre les sexes en matière de sensibilité auditive. En moyenne, les femmes perçoivent les sons avec deux décibels de plus de précision que les hommes. Ce résultat a été observé dans l’ensemble des 13 populations testées, issues de milieux culturels et environnementaux très variés.
Cette sensibilité accrue n’est pas une simple question de perception subjective : elle repose sur une mesure objective du fonctionnement de la cochlée, l’organe de l’oreille interne chargé de transformer les vibrations sonores en signaux nerveux.
Une mesure précise : les émissions otoacoustiques transitoires
Les chercheurs se sont appuyés sur un protocole appelé TEOAE (Transient-Evoked Otoacoustic Emissions). Concrètement, ils ont envoyé des sons dans les oreilles des participants et mesuré la réponse de la cochlée (Partie de l’oreille interne enroulée en spirale ou limaçon, contenant les terminaisons du nerf auditif (organe de Corti)). Cette réponse, qui se manifeste par une faible émission sonore renvoyée par l’oreille, est un indicateur direct de la sensibilité auditive.
Ce type de test présente un intérêt majeur : il permet de détecter des différences fines, parfois imperceptibles avec des méthodes conventionnelles. Grâce à cet outil, les chercheurs ont pu isoler l’effet du sexe biologique sur l’audition, indépendamment de l’âge ou du mode de vie.
Le sexe, facteur prédominant
Les résultats montrent clairement que le sexe est le facteur le plus déterminant pour expliquer les variations d’amplitude auditive. Cette supériorité moyenne des femmes ne s’explique pas uniquement par des raisons culturelles ou comportementales. Elle semble liée à des différences anatomiques et hormonales dès le développement embryonnaire.
Des travaux antérieurs suggéraient déjà que la cochlée féminine possède une architecture légèrement différente, et que les œstrogènes pourraient jouer un rôle protecteur sur l’audition. Cette nouvelle étude conforte ces hypothèses en les généralisant à l’échelle mondiale.
L’environnement modifie aussi l’oreille
Le deuxième facteur en importance est l’environnement dans lequel vivent les individus. Les populations vivant en milieu forestier, notamment en Afrique équatoriale, présentent une audition plus fine que celles vivant en altitude ou dans des zones urbaines.
Dans les forêts, le paysage sonore est dominé par des bruits naturels discrets, qu’il faut pouvoir capter pour détecter un danger ou localiser une source de nourriture. Les chercheurs avancent l’hypothèse d’une adaptation fonctionnelle à ce type d’environnement. À l’inverse, les habitants des hautes altitudes montrent une baisse générale de sensibilité, probablement liée à la pression atmosphérique ou à une moindre oxygénation du système auditif.
Les citadins, eux, ont une audition légèrement décalée vers les hautes fréquences. Cela pourrait s’expliquer par une exposition prolongée aux bruits sourds des transports, qui pousserait l’oreille à compenser en affinant la perception des fréquences aiguës.
Les différences entre les oreilles gauche et droite
Un phénomène connu a été confirmé : l’oreille droite entend généralement mieux que la gauche. Ce déséquilibre est stable dans toutes les populations étudiées, quel que soit le sexe ou l’âge. Il est probablement lié à l’asymétrie des voies nerveuses auditives dans le cerveau, où l’oreille droite bénéficie d’une connexion plus directe avec les zones de traitement du langage.
Une plasticité auditive influencée par le milieu
L’étude met en lumière une interaction complexe entre biologie, culture et écologie sonore. Les chercheurs s’interrogent encore sur les mécanismes précis qui sous-tendent ces différences : s’agit-il d’adaptations génétiques, de plasticité cérébrale ou des deux ?
Il est possible que l’environnement modifie en profondeur l’ensemble du système auditif, depuis l’oreille jusqu’au cerveau. L’exposition chronique à certains types de sons pourrait remodeler les circuits neuronaux, comme cela a déjà été démontré dans d’autres domaines sensoriels.
L’audition, un marqueur de santé globale
Cette sensibilité accrue des femmes pourrait avoir des effets ambivalents. D’un côté, elle facilite la perception des voix et des sons faibles, et confère un avantage dans les environnements calmes. Mais de l’autre, elle rend les femmes potentiellement plus vulnérables à la pollution sonore, qui peut perturber le sommeil, augmenter le stress, voire favoriser les maladies cardiovasculaires.
C’est pourquoi l’étude insiste sur l’importance d’adapter les politiques de santé publique à ces différences naturelles, encore trop peu prises en compte.
Une nouvelle compréhension de l’évolution auditive ?
Enfin, les chercheurs rappellent que l’audition humaine continue d’évoluer. Les pressions exercées par nos environnements sonores actuels – qu’ils soient naturels ou artificiels – pourraient façonner les générations futures. La question reste ouverte : ces changements seront-ils purement physiologiques, ou s’accompagneront ils d’adaptations génétiques durables ?
L’étude invite à approfondir les recherches sur la diversité auditive humaine, non seulement pour mieux comprendre les mécanismes de l’ouïe, mais aussi pour prévenir les pertes auditives précoces, en identifiant les populations les plus exposées.
Source de l’étude : http://dx.doi.org/10.1038/s41598-025-92763-6
