Depuis des décennies, les scientifiques cherchent à décrypter les événements les plus violents de l’univers. Parmi eux, les fusions d’étoiles à neutrons occupent une place à part. Ces collisions titanesques provoquent des émissions intenses de rayons gamma, appelées sursauts gamma courts (ou GRBs pour Gamma-Ray Bursts), accompagnées d’ondes gravitationnelles.
C’est dans ce contexte que la mission StarBurst Multimessenger Pioneer, développée par la NASA en partenariat avec le U.S. Naval Research Laboratory (NRL), entre en jeu. Elle embarque un instrument inédit, StarBurst, destiné à capter ces flashs lumineux qui durent à peine une seconde mais qui peuvent nous apprendre énormément sur la matière et l’évolution de l’univers.
Un capteur sensible embarqué sur un petit satellite
StarBurst n’est pas un observatoire spatial comme les autres. Il s’agit d’un instrument miniaturisé de type SmallSat, autrement dit, un satellite de petite taille, mais à fort potentiel scientifique.
Ce dispositif repose sur une architecture centrée sur 12 détecteurs scintillateurs en iodure de césium dopé au thallium (CsI:Tl). Ces cristaux, lorsqu’ils sont frappés par des rayons gamma, émettent de la lumière visible que de petits photomultiplicateurs en silicium (SiPMs) détectent avec une grande précision.
Grâce à cette configuration, StarBurst est capable de couvrir un spectre énergétique allant de 50 keV à 2000 keV, ce qui lui permet d’identifier une large gamme de sursauts gamma, y compris les plus fugaces.
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Une performance multipliée par quatre
Le niveau de sensibilité atteint par StarBurst est remarquable. Avec une surface de détection quatre fois plus grande que celle du Fermi Gamma-ray Burst Monitor, actuellement en orbite, l’instrument pourra observer l’ensemble du ciel non obstrué à tout moment.
Cela représente un bond technologique notable : plus la surface collectrice est grande, plus le détecteur capte de photons gamma, même ceux issus de sources très lointaines ou peu intenses.
En couplant ces données avec les observations d’ondes gravitationnelles, les astrophysiciens pourront associer un sursaut lumineux à une fusion d’étoiles à neutrons, et ainsi reconstituer les mécanismes physiques à l’origine de ces événements extrêmes.
Une mission conçue pour la synergie scientifique
Le principe de la mission repose sur ce que l’on appelle l’astronomie multimessager. Cette approche consiste à combiner différents types de signaux astrophysiques, comme les ondes gravitationnelles et les rayons gamma, pour obtenir une vision plus complète d’un phénomène cosmique.
Par exemple, lorsque deux étoiles à neutrons entrent en collision, elles provoquent une distorsion de l’espace-temps (observable sous forme d’ondes gravitationnelles), mais aussi une émission brève et intense de rayons gamma.
Ce double signal permet non seulement de localiser précisément l’événement, mais aussi de mieux comprendre la nature des étoiles en jeu, leur masse, leur rotation, et la matière éjectée.
Une clé pour comprendre la création des éléments lourds
Ces collisions denses et rapides ne sont pas qu’un spectacle astronomique. Elles sont aujourd’hui considérées comme l’un des principaux sites de formation des éléments lourds, comme l’or ou l’uranium. Ce processus, connu sous le nom de nucléosynthèse, transforme des noyaux atomiques légers en éléments plus complexes.
Les données de StarBurst permettront d’affiner les modèles actuels sur la répartition de ces éléments dans l’univers. Il ne s’agit donc pas uniquement d’observer des explosions stellaires, mais bien de reconstruire les processus de fabrication de la matière elle-même.
Une mission héritière du démonstrateur Glowbug
StarBurst n’est pas sorti de nulle part. Il tire parti des enseignements tirés du projet Glowbug, un démonstrateur technologique lancé par le NRL sur la Station spatiale internationale. Glowbug a permis de valider plusieurs innovations techniques, notamment sur la stabilité des photomultiplicateurs en environnement orbital, et sur la gestion des flux de données en temps réel.
Les ingénieurs ont conservé les bases technologiques de Glowbug, tout en renforçant la sensibilité, la compacité et la fiabilité de l’instrument. Cette continuité technologique garantit à StarBurst un fonctionnement stable dans les conditions spatiales les plus rudes.
Lancement prévu en 2027 avec un coût optimisé
La livraison de l’instrument par le NRL à la NASA, le 4 mars 2025, marque le passage vers la phase d’essais environnementaux. Ces tests permettront de simuler les conditions extrêmes du lancement et de l’orbite terrestre basse.
Le satellite sera ensuite monté sur la plateforme principale du vaisseau grâce à une interface appelée Evolved Expendable Launch Vehicle Secondary Payload Adapter (ESPA) Grande. Cela signifie que StarBurst sera lancé comme charge secondaire, à moindre coût, dans une mission partagée prévue en 2027.
La mission initiale est prévue pour un an, avec possibilité de prolongation en fonction de l’état de l’instrument et de la richesse des données collectées.
Un partenariat multidisciplinaire
Le projet est coordonné par le Marshall Space Flight Center (MSFC) de la NASA, en collaboration avec plusieurs institutions :
- Le Naval Research Laboratory, concepteur de l’instrument ;
- L’Université de l’Alabama à Huntsville, pour l’analyse des données scientifiques ;
- L’Universities Space Research Association, pour le lien entre les établissements de recherche ;
- Et le University of Toronto Institute for Aerospace Studies, en charge de l’ingénierie spatiale.
Ce consortium multidisciplinaire montre bien l’enjeu du projet : accélérer la compréhension des processus astrophysiques complexes en combinant les expertises.
StarBurst ne se contente pas d’ajouter un instrument de plus dans le ciel. Il s’inscrit dans une stratégie de recherche ciblée et collaborative, au service d’une meilleure lecture de l’histoire cosmique.
Source de l’article : https://www.nrl.navy.mil/Media/News/Article/4119318/understanding-gamma-rays-in-our-universe-through-starburst/