La Chine aurait créé le premier réacteur nucléaire au thorium au monde.
Une annonce confidentielle a fuité d’un coin reculé du désert de Gobi : la Chine aurait mis en service le tout premier réacteur nucléaire du monde fonctionnant au thorium. Cet élément chimique présente plusieurs avantage sur son cousin l’uranium et pourrait être la base d’une nouvelle génération de réacteurs.
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Thorium : l’outsider de la fission nucléaire que les chinois veulent mettre à l’honneur
Moins célèbre que l’uranium, le thorium n’en est pas moins un élément chimique extrêmement intéressant à envisager pour nos réacteurs à fission nucléaire. Présent en abondance dans la croûte terrestre, il produit moins de déchets radioactifs à vie longue, ne dégage pas de plutonium et limite les risques de prolifération nucléaire.
Dans le réacteur chinois, le thorium est dissous dans un sel fondu qui circule en boucle. Ce sel agit à la fois comme vecteur de combustible et fluide caloporteur, éliminant les besoins en eau pressurisée et réduisant les risques d’explosion. La centrale fonctionne à pression atmosphérique, ce qui simplifie la sécurité passive du système.
2 mégawatts thermiques seraient générés en continu de cette manière, dans un environnement désertique, sans arrêt pour recharger.
La renaissance d’une idée américaine
Les réacteurs à sels fondus ne sont pas une invention chinoise ni particulièrement nouvelle. Les États-Unis avaient développé cette technologie dans les années 1960, notamment à Oak Ridge, avant de l’abandonner.
Mais, fait rare : les données issues de ces programmes ont été rendues publiques. Et c’est là que l’histoire prend un tournant inattendu. Xu Hongjie, chef du projet chinois, explique que ses équipes ont repris chaque page, chaque équation, chaque schéma, pour reconstruire les expériences américaines, puis les dépasser.
« Nous avons tout appris dans les archives. Puis nous sommes allés plus loin », résume-t-il, presque avec ironie.
Une course de fond, pas un sprint
Le chantier de ce réacteur a démarré en 2018. L’équipe de départ comptait quelques dizaines de scientifiques. En 2025, ils sont plus de 400, dont beaucoup ont passé leurs vacances sur le site, à surveiller la moindre variation de température ou de flux neutronique.
Le réacteur a atteint la criticité (autrement dit, le moment où la réaction nucléaire devient auto-entretenue) en octobre 2023. Il a atteint sa pleine puissance en juin 2024. Et en octobre de la même année, il a été rechargé en thorium sans interruption, une première mondiale.
Une ambition clairement assumée dans le nucléaire
La Chine ne s’en cache pas : elle compte bouleverser l’équilibre énergétique mondial. Le prochain objectif est déjà annoncé : un réacteur au thorium de 10 mégawatts électriques, prévu pour entrer en service en 2030. Une puissance encore modeste, mais qui prouve une volonté d’industrialisation progressive de ce réacteur.
Et ce n’est pas tout. Les chantiers navals chinois travaillent déjà sur des porte-conteneurs alimentés au thorium, capables de traverser les océans sans émission !
Xu Hongjie insiste : « Nous avons choisi le chemin le plus difficile, mais le bon ». Une phrase qui résonne étrangement, car le jour de l’annonce coïncidait avec l’anniversaire du premier essai de bombe H chinois, en 1967. Le parallèle est assumé.
Pourquoi le thorium est plus avantageux que son cousin l’uranium
Pourquoi tant d’efforts pour un métal que personne ne connaît ? Parce qu’en plus de ses avantages environnementaux, le thorium est moins adapté à la fabrication d’armes nucléaires, ce qui en fait un candidat idéal pour les pays souhaitant une indépendance énergétique sans dérive militaire.
Autre atout : les mines de thorium sont abondantes. Une seule mine située en Mongolie intérieure pourrait théoriquement alimenter la Chine pendant des dizaines de milliers d’années.
C’est donc aussi une stratégie de souveraineté énergétique, en phase avec les ambitions chinoises de réduire leur dépendance aux hydrocarbures étrangers.
Pendant ce temps-là, les autres regardent
Les pays occidentaux, dont les États-Unis pourtant précurseurs, n’ont jamais redéveloppé sérieusement la filière thorium depuis les années 1970.
La France mène également des recherches sur les réacteurs nucléaires au thorium depuis plusieurs décennies, mais ce type de technologie reste encore à un stade expérimental et lointain pour une application industrielle. Le thorium a de sérieux arguments mais son cycle nécessite des étapes complexes, notamment la transformation en uranium-233. En France, le développement de réacteurs au thorium est freiné par la priorité donnée aux réacteurs à eau pressurisée de troisième génération, comme l’EPR, et par la nécessité de créer une filière spécifique distincte de celle de l’uranium. Des projets de réacteurs à sels fondus, adaptés au thorium, sont envisagés à long terme, mais leur déploiement ne serait pas avant la fin du siècle. La France suit néanmoins les avancées internationales et investit dans la recherche pour ne pas perdre son expertise nucléaire dans cette voie prometteuse.
Et maintenant que le premier réacteur est en marche, les regards se tournent vers Pékin avec une question en tête : est-il déjà trop tard pour revenir dans la course ?
Source :
- https://www.iaea.org/zh/newscenter/news/tu-zai-he-neng-zhong-de-chang-qi-qian-li-yuan-zi-neng-ji-gou-de-fen-xi
- https://www.scmp.com/news/china/science/article/3306933/no-quick-wins-china-has-worlds-first-operational-thorium-nuclear-reactor