Ce volcan géant menace Naples, mais des chercheurs pensent pouvoir le calmer avec… de l’eau
Au sud de l’Italie, tout près de Naples, le sol bouge, respire, s’enfle et se contracte. Bienvenue dans les Champs Phlégréens (Campi Flegrei en italien) !
Ce nom antique évoque les « champs brûlants », un paysage façonné par les éruptions géantes d’il y a 39 000 ans. Depuis 2022, c’est cependant une autre menace qui inquiète : des essaims de séismes de plus en plus intenses, à quelques kilomètres seulement de centaines de milliers d’habitants.
Pour les autorités locales, le dilemme est cornélien : faut-il préparer une évacuation préventive ? Construire des abris ? Rester immobile ? Pourtant, une équipe de chercheurs américains et italiens vient peut-être de faire basculer le scénario dans une autre direction, bien plus inattendue…
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Si eau il y a dans ce volcan, alors c’est qu’il peut être maitrisé
Depuis des décennies, on pensait que les secousses et soulèvements dans la caldera étaient dus à des remontées de magma. Une hypothèse logique, après tout : qui dit volcan actif, dit chambres magmatiques sous pression.
Mais l’étude publiée en mai 2025 dans Science Advances bouleverse cette théorie. Les tremblements de terre des Campi Flegrei ne seraient pas provoqués par du magma, mais par… de l’eau et de la vapeur coincées sous terre.
Et si le magma est incontrôlable, la pression de l’eau souterraine, elle, peut être gérée.
Un bouchon minéral qui agit comme une cocotte-minute
Le processus est aussi simple qu’ingénieux : sous la ville de Pozzuoli, à l’ouest de Naples, un réservoir géothermal est emprisonné sous une couche de roche dite “caprock”, une sorte de couvercle minéral. Lorsque cette roche se colmate naturellement, la vapeur et l’eau chaude ne peuvent plus s’échapper. La pression monte alors, les roches se fissurent, et les secousses apparaissent.
Pour illustrer le phénomène, les chercheurs ont même utilisé une cafetière moka italienne. En chauffant un mélange d’eau salée et de cendres volcaniques dans une chambre fermée, ils ont observé la formation rapide de fibres minérales bouchant les fissures. C’est exactement ce qu’il se passe sous Pozzuoli, mais à une échelle bien plus grande.
Un sol qui respire, entre 6 mètres de montée et 1 mètre d’affaissement
Entre 1982 et 1984, le sol s’est élevé de 2 mètres, rendant le port de Pozzuoli inutilisable. Puis il s’est affaissé d’un mètre. Et depuis 2011, le phénomène recommence, avec des similitudes frappantes dans les images sismiques, les déformations du sol, et même les bruits entendus : des explosions sourdes et des grondements, parfois perçus comme des tremblements d’estomac du volcan.
Les chercheurs ont superposé les données des deux crises, celle des années 80 et celle d’aujourd’hui, et découvert des motifs identiques, suggérant une origine commune : le piégeage de l’eau dans un système fermé.
Des preuves visuelles frappantes
Un bassin naturel observé en 2016 était à peine rempli d’eau. En 2024, le même lieu est devenu un véritable lac, les piquets de bois sont désormais submergés. Cette augmentation constante des rejets hydrauliques est un signe évident que le système souterrain devient de plus en plus pressurisé.
Même les données des puits géothermiques montrent une hausse continue de la pression entre 2018 et 2024, renforçant l’hypothèse du rôle central de l’eau.
Une mécanique complexe, mais maîtrisable
Le modèle proposé par les scientifiques donne un espoir : on ne peut pas arrêter le magma, mais on peut intervenir sur l’eau. En canalisant les eaux de pluie, en surveillant le niveau de la nappe phréatique ou même en pompant une partie des fluides, on pourrait empêcher la montée en pression.
Ce serait une forme de “médecine préventive” pour les volcans, selon la chercheuse Tiziana Vanorio, originaire de Pozzuoli et évacuée pendant la crise de 1984.
Une carte des séismes comme une traînée de poudre inversée
Grâce à l’analyse des données depuis 2015, les chercheurs ont pu suivre la progression des épicentres des séismes dans la caldera. Ils s’étendent en cercles concentriques autour de Pozzuoli, comme si l’eau se diffusait lentement dans un volume sphérique. Cette dynamique évoque des expériences des années 1950 sur la propagation de fluides dans les sols.
Fait notable : les séismes commencent près de la surface, puis s’enfoncent, ce qui est l’inverse de ce qu’on attendrait si le magma était responsable.
Une approche multidisciplinaire pour un volcan multifacette
Les chercheurs ont croisé tomographie sismique, géophysique, géochimie, physique des roches. Ils ont même simulé la dynamique de colmatage des roches en laboratoire, confirmant que les fibres minérales se forment rapidement et peuvent recréer un système fermé.
L’imagerie par sismologie est ici comparée à une sonnette d’ancienne génération : on entend sonner, mais on ne sait pas encore qui est à la porte. Il faut donc croiser les observations avec les résultats en laboratoire, pour lever l’ambiguïté.
Des mesures à mettre en œuvre dès maintenant
Le modèle de Vanorio et de ses collègues n’est pas un simple exercice théorique. Il ouvre des pistes concrètes : creuser des canaux de drainage, contrôler les écoulements, surveiller la recharge hydrique du sous-sol.
En somme, transformer la gestion volcanique, d’une logique d’attente à une stratégie d’anticipation. Comme on surveille la tension artérielle pour éviter l’infarctus, il serait temps de prendre le pouls des volcans, pas seulement de guetter leur explosion !
Source :
“The recurrence of geophysical manifestations at the Campi Flegrei caldera” par Tiziana Vanorio, Davide Geremia, Grazia De Landro and Tianyang Guo, 2 mai 2025, Science Advances.
DOI: 10.1126/sciadv.adt2067