Orano annonce la production en série de ses cylindres 30B-10.
Le nucléaire vit des heures décisives. Après l’annonce de plusieurs acteurs dans le monde de mises en chantier de SMR (Small Modular Reactor ou petit réacteur modulaire dans la langue de Molière), il fallait que l’ensemble de la chaine logistique se mette en branle pour accompagner ces annonces et le moins qu’on puisse dire c’est que la France est présente ! Orano vient en effet d’annoncer la mise en production de dix cylindres 30B-10 lors du symposium World Nuclear Supply Chain de Varsovie. Ces cylindres, conçus pour transporter l’hexafluorure d’uranium enrichi jusqu’à 10 % (Low Enriched Uranium Plus ou LEU+), prouvent que les avancées technique dans le nucléaire ne se limitent pas aux seuls réacteurs et que l’ensemble des acteurs, depuis la mine d’Uranium jusqu’à la lampe allumée dans votre salon, sont concernés.
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Un défi technique relevé par Orano avec le DN30-X
Les réacteurs modulaires de petite taille, appelés SMR, imposent de nouvelles contraintes. Leurs combustibles, plus concentrés en uranium, atteignent parfois des enrichissements de 20 %. Jusqu’à récemment, aucune solution de transport n’était homologuée pour ces enrichissements intermédiaires.
La réponse d’Orano a été d’associer le cylindre 30B-10 à l’emballage DN30-X. Cette combinaison intègre des barres neutrophages, un dispositif de contrôle de la criticité qui évite tout emballement nucléaire accidentel. Ce système de sécurité est pensé pour résister à des conditions extrêmes, des chocs jusqu’aux variations de température en passant par les risques de corrosion.
LEU+ ? HALEU ? Kamoulox !
LEU+ (Low Enriched Uranium Plus) désigne de l’uranium faiblement enrichi dont la teneur en isotope fissile uranium 235 est comprise entre 5 % et 10 %, alors que le LEU « classique » se situe généralement entre 3 % et 5 %. Ce combustible est destiné à des réacteurs avancés ou à des cycles de fonctionnement plus longs, offrant plus d’efficacité énergétique. Le HALEU (High Assay Low Enriched Uranium) va plus loin, avec un enrichissement compris entre 10 % et 20 %. Ces combustibles sont essentiels pour les petits réacteurs modulaires (SMR) et certains réacteurs de recherche, car ils permettent des conceptions plus compactes et des cycles d’exploitation prolongés. Au-delà de 20 %, l’uranium est classé comme hautement enrichi et réservé à des usages spécifiques, notamment militaires.
Des homologations déjà en poche
La Nuclear Regulatory Commission (NRC) américaine a validé le DN30-X dès mars 2023. En France, la procédure d’homologation est en cours pour garantir la compatibilité avec les standards nationaux. Un gage de confiance pour les clients étrangers, de plus en plus attentifs à la sécurité et à la traçabilité des matières nucléaires.
Orano, en annonçant la production en série à Varsovie, envoie un signal fort. Cette production résulte de plusieurs années de tests et de mises au point, menées avec une précision quasi chirurgicale. Les matériaux choisis sont à la hauteur des exigences de sûreté : résistance aux températures élevées, aux chocs et à la corrosion.
Un marché du nucléaire en pleine transformation
Le secteur nucléaire vit un renouveau. Dans la course à la décarbonation, les États multiplient les projets de relance des réacteurs. Le marché du combustible nucléaire, valorisé à 20 milliards d’euros par an, s’adapte à ces nouvelles ambitions.
Les cylindres 30B-10, par leur capacité à transporter des LEU+ ou même des HALEU, deviennent des pièces maîtresses de cette dynamique. L’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie se positionnent déjà pour commander ces nouvelles solutions, en particulier pour les projets de SMR qui promettent une plus grande flexibilité énergétique.
Une filière française aux commandes
La France garde un rôle prépondérant dans ce secteur. Orano, qui s’appuie sur l’héritage d’Areva, couvre l’ensemble du cycle de l’uranium : extraction, conversion, enrichissement, recyclage. Cette maîtrise industrielle rassure les partenaires internationaux, friands de filières fiables et maîtrisées.
Framatome, autre acteur français, complète ce dispositif avec son expertise dans la conception et la maintenance des réacteurs. Ensemble, ils offrent une réponse complète aux besoins des exploitants nucléaires.
Un enjeu de souveraineté et de transition énergétique
Le cylindre 30B-10 ne se résume pas à un simple récipient en acier. Il incarne la capacité d’un pays à maîtriser un maillon stratégique : le transport des matières fissiles. Cette compétence est au cœur de la souveraineté énergétique française, un levier essentiel à l’heure où chaque kilowattheure compte.
Au-delà de l’aspect technique, ce cylindre raconte une histoire : celle d’une France qui continue d’investir dans la recherche et l’innovation, qui se positionne comme un acteur incontournable de la transition énergétique mondiale.
Les cylindres 30B-10 d’Orano, ce sont des pièces métalliques d’apparence anodine… mais qui portent en elles les ambitions d’un secteur en pleine mutation.
Source : Communiqué de presse d’Orano
Image : Cylindre 30B-X qui équipe un emballage DN30-X
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Serge Rochain