Des chercheurs allemands pulvérisent une vieille théorie physique !
Déplacer un atome, au lieu de le regarder danser au hasard dans un matériau, c’est un peu comme guider une goutte d’eau sur un pare-brise avec un aimant. Impossible ? Pas pour les physiciens allemands qui viennent de réussir une première mondiale : orienter le mouvement d’atomes individuels grâce au magnétisme. Un exploit scientifique à une température proche du zéro absolu, et un tremblement de terre pour la physique des matériaux.
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Grande première pour l’Allemagne qui parvient à orienter le mouvement d’atomes individuels grâce au magnétisme
L’expérience commence sur une surface extrêmement fine, formée d’une seule couche d’atomes de manganèse déposée avec soin sur un cristal de rhénium.
C’est sur ce tapis atomique parfaitement symétrique que des chercheurs de l’Université de Kiel et de Hambourg ont disposé des atomes isolés : cobalt, rhodium, iridium. Ils s’attendaient à voir ces atomes se déplacer de façon aléatoire, par simple diffusion thermique comme c’esrt “normalement” l’usage : un ballet désordonné dicté par les fluctuations d’énergie.
Mais surprise ! Les atomes ont suivi des chemins bien définis. Et ces chemins, ce sont les lignes magnétiques de la surface.
Un microscope et un frisson de tension
Pour y parvenir, les physiciens ont utilisé un microscope à effet tunnel d’une précision extrême. Cet instrument, refroidi à 4 kelvins, leur permet de voir et de manipuler les atomes un par un.
Le principe est simple (enfin, presque) : on place la pointe du microscope au-dessus d’un atome, on applique une impulsion électrique ultra-courte, et hop ! l’atome saute… mais pas n’importe où. Il suit une ligne droite magnétique, comme s’il était attiré par une piste invisible.
Et le plus étonnant, c’est que même les atomes non magnétiques comme le rhodium ou l’iridium se sont pliés à la règle.
La physique quantique remet les pendules à l’heure
Ce phénomène n’avait jamais été observé expérimentalement. Pourtant, il avait été prédit par des modèles théoriques depuis plusieurs années.
L’équipe du professeur Stefan Heinze a utilisé des calculs mécaniques quantiques, grâce à un supercalculateur situé à Berlin. Objectif : comprendre pourquoi les atomes se déplacent plus facilement le long des lignes magnétiques que dans les autres directions.
En fait, lorsque les atomes étrangers (appelés adatoms) sont posés sur la couche de manganèse, ils développent un petit moment magnétique induit. Ce moment s’aligne avec celui des atomes de la surface, un peu comme deux aimants miniatures.
Résultat ? Les atomes préfèrent se déplacer en s’alignant sur la direction des spins magnétiques de la couche de base. Traverser les rangées coûte plus d’énergie que les longer.
Une vieille théorie balayée comme un grain de poussière
Jusqu’à présent, la physique des surfaces considérait que le magnétisme n’avait pas d’effet notable sur la diffusion atomique. Cette hypothèse volait tranquillement dans les manuels depuis des décennies.
Mais avec cette expérience, tout change. La conclusion est claire :
Le magnétisme influence bel et bien le mouvement des atomes. Même quand ces atomes, à l’origine, ne sont pas magnétiques.
Une démonstration chirurgicale, qui vient abattre une hypothèse historique, et qui ouvre un tout nouveau champ pour la manipulation à l’échelle atomique.
Une révolution discrète pour les nanotechnologies
Ce n’est pas juste un exploit de laboratoire. Cette découverte pourrait transformer plusieurs domaines clés :
- Fabrication de composants électroniques à l’échelle atomique
- Stockage de données dans des matériaux magnétiques haute densité
- Assemblage de matériaux innovants par dépôt contrôlé
- Mémoires à changement de phase ou quantiques, où le positionnement des atomes est essentiel
Avec la possibilité de diriger les atomes comme sur un circuit imprimé invisible, les ingénieurs pourraient concevoir des structures atomiques sur mesure, avec un niveau de précision jamais atteint.
À très basse température, les règles du jeu changent, et cette découverte nous montre que le magnétisme, longtemps négligé dans le mouvement atomique, pourrait devenir un outil de pilotage ultra-fin dans les décennies à venir.
Et comme toujours en physique, dès qu’une vieille règle tombe, le champ des possibles s’élargit.
Source : Zahner, F., Haldar, S., Wiesendanger, R. et al. Anisotropic atom motion on a row-wise antiferromagnetic surface. Nat Commun 16, 4942 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-025-60086-9