Une start-up de Hong Kong veut réaliser des mini-usines pour avaler nos batteries.
Des batteries au lithium en fin de vie, il y en a malheureusement des montagnes. Des robots pour les recycler en plein cœur des villes ? Moins courant.
À Hong Kong, une jeune pousse du nom d’Achelous Pure Metals a décidé de transformer la contrainte du recyclage en opportunité technologique et donc commerciale en s’appuyant sur une nouvelle façon de produire un or noir encore largement méconnu : la “black mass”
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Quand le recyclage des batteries se transforme en or noir avec la “back mass”
Depuis 2022, le monde a généré plus de 62 millions de tonnes de déchets électroniques, selon un rapport des Nations Unies. Ce montant devrait atteindre 82 millions de tonnes d’ici 2030.
Smartphones, ordinateurs portables, tablettes, batteries de trottinettes etc : tout ce qui fonctionne avec une batterie contient du lithium, du nickel ou du cobalt.
Le problème ? Moins d’un quart de ces déchets est aujourd’hui correctement recyclé. Dans la majorité des cas, ils finissent enfouis, incinérés… ou envoyés à l’autre bout du monde, sans traçabilité. Ce qui est à la fois une hérésie écologique ET économique.
Alors Achelous Pure Metals, une start-up de Hong Kong créée en 2020, a eu une idée : pourquoi ne pas traiter localement, à l’échelle urbaine, les batteries lithium-ion hors d’usage, et en extraire les métaux stratégiques avant qu’ils ne deviennent un risque environnemental ?
Une chaîne de tri automatisée dans un container
Le système mis au point par Achelous est pensé pour tenir dans un volume réduit. Il tient dans un module mobile, comparable à une petite remorque ou un conteneur maritime. À l’intérieur, une ligne pilote robotisée trie, broie, aspire, filtre et traite thermiquement les matériaux pour extraire de manière propre la “black mass”.
La “black mass” (ou “masse noire” en français) est un terme qui désigne une poudre noire obtenue lors du recyclage des batteries au lithium-ion, en particulier celles des véhicules électriques et qui contient du lithium, du cobalt, du nickel et du graphite, qui peuvent donc être réutilisés après traitement dans de nouvelles batteries.
Pour éviter les émanations toxiques, la ligne applique des traitements sous vide, et chauffe les batteries pour éliminer les résidus dangereux, comme les colles à base d’époxy ou les gaz fluorés. En complément, un second module expérimental utilise des nanoparticules pour séparer les métaux par affinité chimique.
Une technologie propre, mobile, et conçue pour les zones urbaines densément peuplées.
La black mass, nouvel or noir asiatique
Le paradoxe est là : la black mass est très convoitée… mais les prix des métaux extraits chutent rapidement. Le lithium carbonate, par exemple, est passé de 568 000 yuans (73 840 € ) la tonne en novembre 2022 à 60 600 yuans (7 878 €) en mai 2024. Soit une baisse de près de 90 % en moins de deux ans.
Dans le même temps, la capacité de recyclage en Chine a explosé, entraînant une compétition féroce pour s’approvisionner en black mass. Les petites structures doivent surenchérir pour obtenir des volumes suffisants, alors que la valeur de revente des produits raffinés diminue.
Achelous a donc dû s’adapter : plutôt que raffiner elle-même, elle aide désormais ses partenaires à produire de la black mass localement, avant de l’exporter vers des raffineries spécialisées en Chine. Une stratégie en pivot, plus souple face aux fluctuations du marché.
Le modèle des micro-usines décentralisées
L’enjeu, selon les fondateurs, est de dupliquer leur technologie sous forme de “micro-usines” à l’échelle de l’Asie du Sud-Est. Hong Kong servira de vitrine technologique, mais la start-up cible aussi la Malaisie, Singapour et l’Indonésie.
À Jiangsu, une première usine cliente peut déjà traiter jusqu’à 10 000 tonnes de batteries par an. D’autres projets visent les batteries d’équipements de sécurité, de talkie-walkies ou de petits appareils électroniques professionnels.
Les avantages de ce modèle ? Pas besoin de transporter les déchets sur des milliers de kilomètres. Moins de logistique, moins d’émissions, plus de traçabilité. La startup développe en parallèle un système numérique pour suivre l’origine des matériaux et prouver leur conformité réglementaire.
Vers un marché réglementé et sous pression
En Europe, les nouvelles règles sur le recyclage des batteries sont en train de changer la donne. D’ici 2027, il faudra récupérer 50 % du lithium contenu dans les batteries, puis 80 % en 2031. Les taux de récupération pour le cobalt, le cuivre et le nickel grimperont à 95 %.
Les industriels ne pourront plus se contenter de collecter à la marge. Ils devront prouver que leurs matériaux recyclés répondent à ces objectifs. D’où l’intérêt de solutions comme celles d’Achelous, qui permettent de recycler en circuit court, avec un suivi précis des volumes et des compositions.
Ce type de technologie pourrait devenir incontournable à mesure que les obligations légales se durcissent.
Un marché mondial potentiel de 64 milliards d’ici 2034
Le marché mondial du black mass, qui consiste donc à recycler les matériaux précieux des batteries usagées, connaît une croissance rapide grâce à la demande croissante de véhicules électriques et aux réglementations environnementales comme ceux évoquées en Europe. En 2025, sa valeur est estimée 15,51 milliards de d’euros, avec des prévisions atteignant jusqu’à 64 milliards d’euros d’ici 2034 selon Roots Analysis (voire source plus bas).
Des ambitions précises, un avenir incertain
L’enjeu pour Achelous, c’est désormais de résister aux cycles erratiques du marché du lithium, tout en continuant à innover. La technologie est prometteuse, mais les revenus restent fragiles tant que les prix des métaux raffinés continuent de chuter.
L’équilibre économique de cette filière dépendra de trois facteurs : la stabilisation des cours, l’augmentation du volume de batteries à recycler, et le soutien public à l’implantation de micro-factories.
Une chose est sûre : si nous ne voulons pas que les déchets électroniques nous submergent, il faudra des acteurs comme Achelous capable de recycler mieux, plus vite, et plus près des sources de pollution.
Source :
- https://www.scmp.com/business/climate-and-energy/article/3313015/hong-kong-start-ups-unique-strategy-tackle-lithium-battery-recycling-home-overseas
- https://www.rootsanalysis.com/black-mass-recycling-market
Image : Black mass (source : Achelous Pure Metals)