Quand des champignons microscopiques viennent sauver nos champs.
Toute notre histoire commence à Grasse, la ville des parfums. Cependant pour une fois, il ne sera pas question de lavande dans cet article.
En 2017, Justine Lipuma, microbiologiste, et Christine Poncet, ingénieure agronome à l’INRAE, ont lancé MYCOPHYTO, une start-up avec une idée insolite mais qui promet beaucoup : remettre les champignons au cœur des cultures agricoles. Retour sur une véritable agritech qui pourrait faire bouger les lignes dans l’agriculture moderne.
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Mycophyto : le pouvoir caché des mycorhizes
Sous la surface, entre les racines et les particules du sol, des alliances naturelles se nouent depuis des centaines de millions d’années.
Les champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA) existent pour leur part depuis plus de 400 millions d’années, et ils n’ont quasiment pas changé depuis. Ils ont accompagné les premières plantes terrestres à une époque où les sols étaient pauvres, secs et inhospitaliers. En formant des structures appelées arbuscules dans les racines, ils ont permis aux plantes d’accéder aux nutriments, posant les bases de l’évolution des plantes vasculaires. Aujourd’hui encore, plus de 80 % des espèces végétales terrestres vivent en symbiose avec eux et de cette manière captent plus de phosphore, résistent mieux à la sécheresse, à la salinité, aux coups de chaud… et ce, sans engrais chimiques.
C’est sur ces champignons qu’entend s’appuyer MYCOPHYTO pour changer notre rapport à l’agriculture.
Des solutions sur mesure pour chaque culture
L’approche de MYCOPHYTO consiste en un véritable casse-tête biologique.
Chaque champignon est sélectionné en fonction du sol, du climat, et du type de culture. Du pur cousu main, version microbiologie !
Une fois la meilleure combinaison trouvée, elle est multipliée grâce à un procédé breveté, dans des conditions maîtrisées, puis réintroduite dans les champs.
Et pour garantir que ça marche vraiment, la start-up s’appuie sur une biobanque de champignons indigènes, des outils d’intelligence artificielle pour prédire les effets sur chaque parcelle, et une production maison pour tout tracer de A à Z.
L’agriculture en mieux… avec des résultats mesurables
Et sur le terrain, est-ce que ça fonctionne ? Oui et c’est même assez spectaculaire !
Les agriculteurs partenaires de MYCOPHYTO observent ainsi :
- Jusqu’à 30 % de réduction des engrais minéraux
- 20 % d’économie d’eau en moyenne
- Jusqu’à 50 % de gain de rendement selon les cultures
Dans les vignes de Provence, le projet Mycovigne a déjà permis d’économiser l’équivalent de 2 500 piscines olympiques d’eau d’irrigation. Et dans le Cognac, les tests confirment : la méthode s’adapte à différents terroirs et cépages.
Une PME, des investisseurs, et une vraie dynamique
MYCOPHYTO, ce n’est plus une jeune pousse isolée. Le Crédit Agricole Provence Côte d’Azur est monté à bord dès 2019, via son fonds Créazur. Depuis, d’autres caisses régionales ont suivi, tout comme des acteurs du monde viticole.
En 2024, la start-up a noué un partenariat stratégique avec le Groupe Lauvige, spécialisé dans l’embouteillage de vin, pour étendre les solutions de mycorhization à grande échelle dans la viticulture et surtout, construire une agriculture plus résiliente sans sacrifier la rentabilité.
Grâce à ces partenariats, MYCOPHYTO a pu booster ses capacités de production, investir dans ses outils technologiques et renforcer sa présence sur des territoires agricoles clés.
Une ambition qui dépasse les frontières
Aujourd’hui, MYCOPHYTO vise l’Europe. Demain, le marché mondial des biostimulants. Lauréate de French Tech 2030, soutenue par France Export 2030, l’entreprise prépare des plateformes technologiques déployables à la demande : biobanque, production, laboratoire, transformation, tout en un.
Ces mini-usines prêtes à l’emploi permettront d’exporter le modèle MYCOPHYTO partout où l’on cultive et où les sols s’épuisent. Avec, toujours, le même ADN : le sur-mesure, l’efficacité mesurable, et la nature au service de la productivité.
Un futur agricole, connecté au vivant
MYCOPHYTO, c’est un peu d’INRAE, un peu de start-up nation, et beaucoup de sol. Dans un contexte où le climat secoue les rendements, où les engrais coûtent cher (et polluent), et où l’eau devient rare, leur réponse est à la fois simple et sophistiquée : s’allier avec les micro-organismes que la nature nous offre déjà.
Pas besoin de chimie de synthèse ni de robots géants. Juste le bon champignon au bon endroit, pour que la plante grandisse mieux.
Source : MYCOPHYTO
Image : Paysage d’automne avec vignes et raisins de cuve (Freepik)