Les microplastiques, alliés invisibles des superbactéries ?
Les microplastiques ne sont pas seulement une catastrophe écologique. Des chercheurs de l’université de Boston tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme sur une autre problématique, peut-être encore plus préoccupante : ces fragments de plastique, omniprésents dans l’environnement, favorisent le développement de bactéries résistantes aux antibiotiques.
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Une menace grandissante pour notre planète : les microplastiques favoriseraient les superbactéries
L’étude, menée au Zaman Laboratory, révèle que certaines bactéries, comme E. coli, exposées aux microplastiques dans un environnement clos, développent une résistance accrue aux antibiotiques. Une découverte inquiétante, notamment dans des contextes où la pollution plastique est massive, comme les camps de réfugiés, où les infections bactériennes se propagent facilement.
Le microplastique, un ennemi omniprésent
Les microplastiques sont devenus un problème environnemental majeur, avec 24 400 milliards de fragments flottant à la surface des océans, pesant entre 82 000 et 578 000 tonnes. Chaque année, 8 à 18 millions de tonnes de plastiques finissent dans les mers, générant 1,5 million de tonnes de microplastiques. Sur terre, 76% des sols français analysés sont contaminés, contenant en moyenne 15 particules de microplastiques par kg de sol sec.
Les microplastiques sont aujourd’hui partout :
- Dans les océans, du plancton aux baleines.
- Dans l’air que nous respirons.
- Dans les neiges des sommets les plus reculés.
- Et, plus récemment, dans les tissus cérébraux humains, soulevant des questions majeures sur leurs effets sanitaires.
La production mondiale de plastique atteint 460 millions de tonnes par an, dont 10 millions de tonnes sont rejetées dans les océans annuellement. Si la tendance se poursuit, on estime que la quantité de plastique dans les océans pourrait tripler d’ici 2060.
Un terrain propice aux biofilms
Le plastique n’est pas qu’un simple déchet : il devient un véritable refuge pour les bactéries. Selon Neila Gross, principale auteure de l’étude, les bactéries utilisent ces surfaces pour former des biofilms, sortes de boucliers biologiques qui les protègent des menaces extérieures.
Lors des expériences, les chercheurs ont constaté que les biofilms sur microplastiques étaient bien plus épais et résistants que ceux formés sur du verre ou d’autres matériaux. Une fois exposées aux antibiotiques, ces colonies étaient nettement moins vulnérables. Résultat : un taux de résistance très élevé, indépendamment du type d’antibiotique utilisé.
Des bactéries plus résistantes, même après le retrait des plastiques
Un des constats les plus troublants de l’étude est que même après l’élimination des microplastiques, les bactéries gardaient leur capacité à former des biofilms ultra-résistants. Autrement dit, l’exposition aux plastiques induit des modifications durables dans leur comportement.
Selon les chercheurs, les caractéristiques des plastiques pourraient expliquer ce phénomène. Une hypothèse avancée est que les plastiques repoussent l’eau, ce qui favorise l’adhésion bactérienne. Avec le temps, ils finissent par absorber l’humidité et les antibiotiques, réduisant ainsi l’efficacité des traitements.
La résistance aux antibiotiques tue chaque année l’équivalent de la population irlandaise
Chaque année, 4,95 millions de décès sont liés à des infections résistantes aux antibiotiques. Si les microplastiques continuent à accélérer l’émergence des superbactéries, ces chiffres pourraient grimper en flèche.
Les prochaines étapes de la recherche
L’équipe de Boston University ne compte pas en rester là. Elle prévoit de tester ses découvertes en conditions réelles, notamment dans des zones où l’accumulation de plastique est critique. L’objectif ? Identifier les mécanismes précis qui permettent aux bactéries de s’accrocher aux plastiques et d’acquérir une résistance accrue.
Par ailleurs, les chercheurs souhaitent établir un lien entre la présence de microplastiques et l’augmentation des infections résistantes dans certaines populations vulnérables.
Enfin pour en parler en 2 mots, tout n’est quand même pas encore désespéré et de nombreuses solutions émergent pour tenter d’inverser la tendance sur la présence de microplastiques dans le monde, comme cette récente découverte qui promet de recycler 94% du polyéthylène téréphtalate (PET). Restons positifs !
Source :
Effects of microplastic concentration, composition, and size on Escherichia coli biofilm-associated antimicrobial resistance.
Gross N, Muhvich J, Ching C, Gomez B, Horvath E, Nahum Y, Zaman MH.
https://doi.org/10.1128/aem.02282-24