Le Japon mise sur le méthanol pour transporter le pétrole.
Le Japon, roi des innovations, s’apprête à nouveau à faire parler de son avance technologique avec un nouvel exploit et un record pour le plus gros pétrolier jamais conçu fonctionnant au méthanol. Ce monstre marin de 310 000 tonnes de port en lourd (DWT) devrait être livré d’ici 2028. Aux commandes du projet, la compagnie nippone NYK Line, qui entend bien réduire les émissions liées au transport maritime du pétrole, un secteur jusqu’ici peu concerné par la transition énergétique.
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Le VLCC japonais de 310 000 tonnes promet de révolutionner le transport du pétrole
Ce navire baptisé VLCC (Very Large Crude Carrier) aura deux cœurs énergétiques : l’un traditionnel (fioul lourd), l’autre alimenté au méthanol, carburant de nouvelle génération, déjà utilisé en chimie mais encore marginal dans le transport maritime.
Un navire conçu pour casser les codes
Ses dimensions forcent le respect : 339,5 mètres de long, 60 mètres de large, et un tirant d’eau adapté au détroit de Malacca, un goulot stratégique entre l’océan Indien et le Pacifique. Ce navire a été conçu pour 2 missions : assurer la continuité des flux pétroliers tout en abaissant leur impact environnemental.
Le navire embarquera également un générateur d’arbre, un système qui récupère l’énergie de la rotation mécanique pour l’envoyer vers le propulseur, limitant les pertes énergétiques et optimisant l’efficacité globale du système de propulsion.
Le méthanol : carburant d’avenir pour le transport maritime ?
Passer du fioul au méthanol ne se fait pas sans raison. Le méthanol permet déjà de réduire les émissions de CO₂ de 15 % par rapport au fioul lourd. Ce chiffre grimpera davantage si l’on utilise des versions dites “vertes” du méthanol, produites à partir de biomasse ou par synthèse de CO₂ capté et d’hydrogène vert.
À court terme, c’est donc une solution de transition crédible : compatible avec les moteurs marins, transportable à grande échelle, et adaptée à la réalité logistique des ports mondiaux. Contrairement aux batteries ou à l’hydrogène liquéfié (comme notre champion national GTT), le méthanol ne bouleverse pas complètement l’infrastructure actuelle.
Un projet d’ingénierie collectif
Le navire est le fruit d’une collaboration 100 % japonaise, regroupant NYK Line, Idemitsu Tanker, IINO Kaiun Kaisha, et le chantier Nippon Shipyard. Depuis 2024, ces acteurs travaillent sur une conception hybride, capable de jongler entre carburants tout en gardant une efficacité optimale.
Le design a été dévoilé en octobre dernier. Il s’agit d’un “Malacca Max”, c’est-à-dire dimensionné au millimètre pour franchir le détroit de Malacca, passage obligé de la plupart des flux pétroliers entre le Moyen-Orient et l’Asie de l’Est. Le navire sera ensuite loué à long terme par Idemitsu, ce qui garantit sa rentabilité dès sa mise à l’eau.
Transporter du pétrole sans s’étouffer dans ses fumées
Le paradoxe n’échappera à personne : un pétrolier plus propre, c’est encore un pétrolier. Mais dans un monde où les carburants fossiles sont encore dominants, il reste nécessaire de minimiser l’impact de leur transport. Le secteur maritime émet à lui seul près de 1 000 millions de tonnes de CO₂ par an, soit l’équivalent des émissions d’un pays comme l’Allemagne !
Ce VLCC fonctionne donc comme un correcteur de « trajectoire écologique désastreuse » : pas une rupture technologique radicale, mais une réduction mesurable des émissions là où c’est possible. Un pas de côté, mais dans la bonne direction.
Une pièce d’un puzzle plus vaste
Cette construction s’inscrit dans le plan global de décarbonation de NYK, qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. Une ambition difficile à tenir sans innovation. L’électrification des navires reste limitée aux trajets courts, les carburants alternatifs sont encore peu disponibles, et la concurrence internationale est rude.
En misant sur le méthanol, NYK fait un pari pragmatique et industriellement réaliste. Ce VLCC ne sera pas seul : d’autres projets similaires sont en discussion, avec des versions encore plus performantes, potentiellement entièrement alimentées par des carburants synthétiques issus d’énergies renouvelables.
Source : NYK