Un problème de plus de 70 ans posé par la fusion nucléaire bientôt résolu par les Etats-Unis

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Un problème vieux de 70 ans sur la fusion nucléaire enfin résolu ?

C’est un casse-tête qui hante les physiciens depuis les débuts de cherche sur la fusion nucléaire, un phénomène invisible mais redouté : les particules “rebelles” qui s’échappent du réacteur. Aujourd’hui, un trio d’acteurs américains : l’université du Texas à Austin, le laboratoire national de Los Alamos et la société Type One Energy ont annoncée une percée théorique capable de changer la donne.

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Pour qu’un réacteur à fusion fonctionne, il faut chauffer des isotopes de l’hydrogène à plus de 100 millions de degrés. À cette température, la matière devient du plasma : un bouillon d’électrons et de noyaux ionisés, plus instable qu’un chat face à un concombre.

Le souci, c’est que dans cet état, des particules ultra-énergétiques (comme les électrons dans les tokamaks ou les particules alpha dans les stellarators) parviennent parfois à trouver la sortie, littéralement. Quand elles s’échappent, c’est tout l’équilibre du plasma qui est compromis. Moins de chaleur, moins de densité, et donc plus de fusion du tout.

Les chercheurs sont ainsi dans l’obligation d’inventer des systèmes de confinement magnétiques aussi efficaces qu’un bon vieux cadenas. Sauf qu’ici, les cadenas doivent piéger du vide chauffé à un milliard d’euros le mégawatt.

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Une bouteille magnétique pleine de trous

Dans les tokamaks et les stellarators, on utilise des bobines pour générer un champ magnétique qui agit comme une cage invisible. Le plasma, bien que dépourvu de matière solide autour, est censé rester prisonnier au centre du réacteur.

Malheureusement cette cage n’est pas parfaite. Il y a des zones où le champ faiblit. Des trous invisibles par lesquels les particules peuvent s’échapper. Un peu comme si on tentait de retenir de l’eau avec un filet de pêche mal tissé.

Des modèles basés sur les lois de Newton permettent de prédire ces faiblesses. Mais le calcul est cauchemardesque : des centaines de milliers de simulations à gérer en même temps !

Des méthodes approximatives, pas franchement satisfaisantes

La théorie des perturbations est une méthode mathématique qui permet de trouver une solution approchée à un problème compliqué en partant d’un problème plus simple dont on connaît déjà la solution exacte. On suppose que le problème compliqué diffère peu du problème simple, et on considère cette différence comme une “petite perturbation”. On ajoute alors petit à petit cette perturbation et on calcule comment la solution change, souvent en utilisant des séries mathématiques. Plus la perturbation est faible, plus l’approximation est bonne. Cette méthode est très utilisée en physique, par exemple pour étudier des systèmes où il serait trop difficile de trouver une solution exacte. Et ça tombe bien, c’est le cas des électrons dans les réacteurs à fusion !

Alors, c’est commode et plus rapide, certes, mais c’est aussi nettement moins précis. Un peu comme si on essayait de tracer la carte du métro avec une règle et un compas.

C’est l’une des raisons pour lesquelles le développement des stellarators est si lent. Ces machines prometteuses restent difficiles à concevoir, car on ne sait pas prédire rapidement où les particules vont fuguer.

Une nouvelle théorie venue briser le cycle

C’est là que l’équipe dirigée par Josh Burby intervient. Leur approche repose sur une théorie de la symétrie, bien éloignée des calculs classiques de Newton. Le principe : observer les invariants du système pour prédire les trajectoires sans avoir besoin de calculer toutes les interactions possibles.

Leur méthode permet de conserver la précision des modèles newtoniens tout en réduisant le temps de calcul par un facteur 10. C’est comme si vous pouviez cuisiner un bœuf bourguignon en 30 minutes, avec exactement le même goût.

Et cette innovation fonctionne pour les deux grands types de réacteurs : les stellarators et les tokamaks.

Une solution pour un double problème

Dans le cas des tokamaks, ce ne sont pas des particules alpha qui s’enfuient mais des électrons. Et lorsqu’ils se faufilent jusqu’à la paroi du réacteur, ils causent des dégâts capables de percer les matériaux les plus avancés.

Grâce à cette nouvelle approche, il deviendrait possible d’identifier avec précision les zones à risque, de concevoir des champs magnétiques adaptés, et de limiter les pertes.

Autrement dit, savoir “enfin” où ça fuit et comment colmater, sans devoir modéliser chaque centimètre cube du réacteur pendant des semaines.

Une révolution théorique aux applications concrètes

Josh Burby n’y va pas par quatre chemins : « C’est un problème ouvert depuis près de 70 ans. Notre approche permet de le résoudre sans sacrifier la précision ni exploser le budget calculatoire. »

Les résultats, publiés dans Physical Review Letters, ouvrent une voie rapide vers la conception de réacteurs plus efficaces. Et surtout, moins gourmands en essais-erreurs coûteux.

Dans une industrie où chaque prototype peut représenter plusieurs centaines de millions d’euros, cette capacité à concevoir des systèmes de confinement magnétique fiables, rapidement, change les règles du jeu.

L’époque où les électrons se prenaient pour des évadés d’Alcatraz est peut-être enfin révolue.

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Les dernières avancées dans la maitrise de la fusion nucléaire

En février 2025, le tokamak français West a battu un record mondial en maintenant un plasma de fusion stable pendant plus de 22 minutes, une étape cruciale pour la viabilité de la fusion nucléaire. Ce succès s’ajoute à d’autres avancées internationales, comme les progrès du National Ignition Facility aux États-Unis, qui s’approche d’une réaction de fusion auto-entretenue. Le projet ITER, en France, a récemment achevé des éléments majeurs et vise une première production d’énergie vers 2035-2036, ouvrant la voie à des réacteurs de démonstration industriels. Les recherches se concentrent désormais sur la résistance des matériaux et la gestion de la chaleur extrême générée par le plasma. De nouveaux records de durée et de puissance montrent que la maîtrise du plasma devient plus réaliste, mais il reste à prouver la faisabilité économique à grande échelle. La fusion nucléaire est ainsi plus proche que jamais, mais sa contribution massive au mix énergétique mondial attendra (dans le meilleur des cas) la seconde moitié du XXIe siècle.

Source :

Nonperturbative Guiding Center Model for Magnetized Plasmas
J. W. Burby, I. A. Maldonado, M. Ruth, D. A. Messenger, L. Carbajal

Phys. Rev. Lett. 134, 175101 – Publié le 30 avril 2025

DOI: https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.134.175101

Source image : ITER

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
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