Et si la prochaine révolution nucléaire n’avait pas lieu sur terre, mais… sur l’eau ?
Le Canada se sent décidemment pousser des ailes en ce moment sur le sujet du nucléaire ! Après avoir rendu public un projet de SMR révolutionnaire, le pays vient de sortir un scénario qui semble sortir tout droit d’un roman de SF : des centrales nucléaires mobiles capables d’évoluer sur terre comme sur mer !
Derrière cette idée hors-norme, une entreprise peu connue du grand public : Prodigy Clean Energy. Qui, avec l’appui de partenaires de poids comme Serco et Lloyd’s Register, veut bouleverser les règles du jeu.
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Une centrale nucléaire conçue en usine
Contrairement aux installations classiques, bâties en une décennie et à grands renforts de grues et de béton, les TNPPs (Transportable Nuclear Power Plants) de Prodigy sont fabriquées en usine, intégrées, puis livrées en version prête à l’emploi, comme on livrerait un paquebot.
Les modules embarquent des SMR (Small Modular Reactors) et une centrale peut ainsi produire entre 5 mégawatts et 1 gigawatt électrique. Et une fois sa durée de vie atteinte (60 ans), elle peut être déconnectée, rapatriée et démantelée dans un site centralisé.
Une résistance militaire pour une énergie civile
Ces centrales, prévues pour flotter près des côtes ou dans des ports protégés, doivent résister à des scénarios extrêmes :
• séismes,
• catastrophes naturelles,
• attaques par missile ou drone.
C’est à ce niveau du projet qu’intervient Serco, entreprise spécialisée dans la défense maritime, qui conçoit des systèmes de protection à 360° contre les menaces venues de la mer, de l’air et du sol.
Mathias Trojer, président de Prodigy Clean Energy, l’affirme : “Nos priorités sont la sécurité, la protection des populations locales et le respect de l’environnement. Ce programme prouve que ces centrales sont prêtes à entrer dans une phase industrielle.”
Deux modèles adaptés à des environnements extrêmes
Prodigy travaille actuellement sur deux concepts :
1. Le TNPP micro-réacteur : destiné aux ports, aux zones isolées ou aux infrastructures critiques. Il peut être installé sur l’eau, mais aussi transféré à terre pour desservir des régions reculées.
2. La centrale nucléaire marine flottante : conçue pour les zones sismiques ou politiquement instables et qui peut être déplacée en fonction des besoins géopolitiques ou logistiques.
L’État canadien investit dans l’avenir atomique
Le projet bénéficie d’un soutien gouvernemental majeur. En 2024, Prodigy a obtenu une enveloppe de 2,75 millions d’euros dans le cadre du programme fédéral NRCan pour les petits réacteurs modulaires (SMR). L’enjeu est de préparer la filière industrielle pour une mise en service d’ici 2030.
L’entreprise collabore également avec Lloyd’s Register, autorité mondiale en matière de certification maritime, pour concevoir un modèle complet de cycle de vie nucléaire flottant :
• Fabrication industrielle
• Transport maritime sécurisé
• Exploitation contrôlée
• Démantèlement centralisé
Le but est de démontrer qu’un pays peut intégrer une technologie nucléaire mobile sans devoir modifier profondément sa législation.
En coulisses, les industriels du nucléaire suivent le projet avec attention. Car si ces centrales flottantes tiennent leurs promesses, elles pourraient transformer l’image de l’atome : non plus imposant et figé, mais flexible, compact et transportable.
Projets similaires de centrales nucléaires flottantes autour du monde
Les projets de centrales nucléaires flottantes connaissent un essor mondial, portés par la volonté de produire de l’électricité décarbonée rapidement et de façon flexible, notamment dans les zones côtières, les ports ou les régions isolées. Après la mise en service par la Russie de l’Akademik Lomonosov en 2019, la première centrale nucléaire flottante opérationnelle qui vient de dépasser le milliard de KWh produit, d’autres pays comme la Chine et la Corée du Nord développent leurs propres initiatives. Le projet le plus ambitieux à ce jour est mené par l’entreprise britannique Core Power, qui prévoit de déployer d’ici 2030 une flotte de centrales flottantes au large des États-Unis, dans le cadre du programme Liberty. Ces installations, basées sur des réacteurs de quatrième génération à sels fondus, sont conçues pour être compactes, sûres et produites en série grâce à des méthodes de construction navale modulaire, permettant une mise en service accélérée et une maintenance centralisée. Chaque unité pourrait générer jusqu’à 175 GWh d’électricité par an, avec la possibilité d’être déplacée selon les besoins énergétiques ou industriels. Ce modèle, qui suscite l’intérêt des industriels et des gouvernements, soulève néanmoins des questions sur la sécurité, la gestion des déchets et les risques en mer, mais il pourrait transformer durablement l’accès à l’énergie nucléaire à l’échelle mondiale
Source : Prodigy Clean Energy