Les États-Unis accélèrent la mise en service des micro-réacteurs pour des sites stratégiques.
La machine est lancée : l’administration américaine déploie ses forces pour créer deux bancs d’essai dédiés aux micro-réacteurs nucléaires, domaine qui motivent également d’autres nations au premier rang desquelles la France. Les sites de DOME et de LOTUS constituent le fer de lance de l’Oncle Sam pour se positionner sur le secteur et préparer des prototypes qui à terme alimenteront bases militaires et sites reculés.
Lire aussi :
- La France ne se contente pas de faire des réacteurs nucléaires performants et se positionne en leader technique du transport du combustible avec le 30B-10
- La France commence une course contre la montre pour égaler les performances américaines dans la fusion nucléaire par confinement inertiel
La quête américaine de mini-réacteurs nucléaires est ouverte
Ces micro-réacteurs n’ont rien à voir avec les monstres d’acier des centrales classiques. Entièrement fabriqués en usine, ils peuvent fournir entre 1 et 50 mégawatts de puissance (la majorité des réacteurs à eau pressurisée ou REP délivrent une puissance électrique individuelle de 900 MWe). Leur force réside dans leur format compact et transportable, capable de s’adapter aux besoins des armées ou des industries isolées.
Les États-Unis s’appuient sur l’Idaho National Laboratory (INL) pour concrétiser ces projets. Grâce au soutien du Département de l’Énergie (DOE), l’INL bénéficie d’une autorisation prioritaire au titre du Defense Production Act. Cette mesure exceptionnelle lève les verrous logistiques, en permettant d’obtenir plus rapidement les équipements et les matériaux nécessaires.
Deux bancs d’essai pour concrétiser les idées
Le site DOME (Demonstration of Microreactor Experiments) s’installe dans l’enceinte d’un ancien réacteur expérimental, avec un objectif clair : tester des concepts de micro-réacteurs capables de produire jusqu’à 20 mégawatts thermiques. Ces tests grandeur nature permettront de valider les performances et la sûreté des futures installations.
De son côté, le banc LOTUS investira l’ancien réacteur à zéro puissance du laboratoire. Il accueillera un prototype inédit : le premier réacteur à spectre rapide utilisant un combustible à sels fondus (un réacteur de génération IV). Un projet de pointe porté par Southern Company et TerraPower, qui ouvre la voie à une nouvelle génération de micro-réacteurs.
Une priorité pour rester dans la course
Pour Brad Tomer, directeur du National Reactor Innovation Center (NRIC), cette autorisation prioritaire est un levier majeur pour éviter les retards coûteux. Chaque mois de gagné compte, surtout dans un domaine où la concurrence est féroce et les enjeux industriels sont énormes.
Le DOE a même mis en ligne un guide détaillé pour aider les porteurs de projets. Les critères de sélection sont précis : le degré de maturité des technologies, la disponibilité des combustibles, le plan réglementaire et les compétences des développeurs.
Vers un système énergétique complet et flexible
Les ambitions américaines vont bien au-delà des simples prototypes. À terme, DOME pourrait recevoir des réacteurs utilisant de l’uranium faiblement enrichi à haute teneur (HALEU). L’idée est tout simplement de créer un écosystème complet, de la conception au démantèlement, en passant par les essais en conditions réelles.
Les applications sont nombreuses. Sur une base militaire en zone isolée, un micro-réacteur permettrait d’éviter les convois d’approvisionnement vulnérables. Dans une région polaire, il pourrait remplacer les générateurs diesel polluants et apporter de l’électricité fiable, sans interruption.
La concurrence, notamment française sera rude
Les Américains ne sont pas les seuls à investir dans ces technologies. De l’autre côté de la frontière, au Canada, Ontario Power Generation a démarré la construction du premier petit réacteur modulaire BWRX-300 à eau bouillante, sur le site de Darlington. Ce réacteur de 300 mégawatts par unité, déployé en quatre exemplaires, devrait alimenter plus d’un million de foyers. D’autres nations occidentales sont sur les rangs, notamment le projet bien entamé du franco-italien newcleo, qui veut pour sa part développer des petits réacteurs nucléaires rapides au plomb (de génération IV). On peut encore citer l’exemple de la société danoise Seaborg Technologies qui développe des réacteurs à sels fondus installés sur des plateformes maritimes. Leur design compact de 100 MWe offre un cycle de combustible de 12 ans, avec une mise en service envisagée dès 2028.
Cette effervescence mondiale autour des micro-réacteurs illustre un basculement majeur : ces technologies offrent un mix énergétique décarboné, modulaire et adapté à des besoins industriels et stratégiques spécifiques. Les premières mises en service sont attendues dès 2030. La course à l’énergie propre et décentralisée est bel et bien lancée, et les États-Unis entendent bien rester en tête du peloton.
Source : energy.gov
Image : Le site DOME (Demonstration of Microreactor Experiments)